Paavo Järvi et son orchestre: champions du monde... et même pas dopés!
Festival de Lanaudière
July 30, 2007
July 30, 2007
Christophe Huss
La Deutsche Kammerphilharmonie (DKP) et Paavo Järvi sont venus offrir aux Québécois un cadeau musical dont la portée peut à peine se décrire. Ni Tokyo, ni Chicago, ni New York n'auront finalement le privilège d'entendre la totalité de leurs Symphonies de Beethoven.
Ce parcours est présenté chronologiquement. Le périlleux programme de vendredi, regroupant les Symphonies n° 1, 2 et 3, amène à percevoir autrement le choc de la Symphonie héroïque. Un choc par la puissance, dès les deux premiers coups assénés, mais aussi par la quête de nouveaux coloris orchestraux. Il devient ainsi palpable avec quelle viscéralité Beethoven a été le premier compositeur à se mettre lui-même en musique, ou comment il a fait de la timbale un instrument expressif et non seulement un «articulateur rythmique». La force du «projet Beethoven» de la DKP et de son chef se niche dans la révélation fondamentale que les détails ne sont pas des détails, mais les éléments constitutifs -- tous importants -- d'un édifice. Ces détails sont à chercher dans le moindre recoin: la percussion change de couleur en abandonnant les baguettes en bois après la 2e Symphonie; associé à des trompettes anciennes; le premier cor imite, en bouchant son pavillon, les sonorités des cors de l'époque (effets sidérants dans l'Héroïque, le 1er mouvement de la Quatrième ou le 3e volet de la Cinquième); les cordes jouent en permanence sur le dosage du vibrato. Les exemples se multiplient à l'infini, car le détail n'est pas ici l'objet d'une obsession maniaque, mais bien d'une quête de sens. De la mise en évidence du détail naît en effet une vraie circulation musicale entre les pupitres. C'est pour les avoir vus jouer ce jeu-là avec passion et maestria que l'on peut qualifier les musiciens de la DKP de «champions du monde»! Je ne connais aucun orchestre témoignant d'une telle complicité et d'un tel engagement. Cette dimension a sauté aux yeux de tous, même profanes, et a valu aux interprètes un accueil digne de véritables rock stars. Car l'évidence saute aux oreilles. L'ovation après la Septième restera dans les mémoires des festivaliers. Les grands moments de cette intégrale (dont restent à commenter, demain dans Le Devoir, les deux dernières symphonies) se bousculent. On citera la 1re, la 3e, la 5e, la 7e et les volets finaux de la 2e et de la 4e Symphonies, cette dernière au second mouvement, hélas, perturbé par la pluie. Les mouvements lents (2e, 6e, 7e!) ont bénéficié d'une légèreté de touche et de nuances quasiment inouïe. Des points «faibles»? La Pastorale, très belle pourtant, n'a pas encore trouvé sa place dans le concept de l'intégrale. Elle est encore trop pastorale, trop descriptive, avec des ralentis, quelques fortissimos corsetés, des aplanissements d'accentuation qu'on ne trouve pas ailleurs dans le cycle. Curieusement, les cors, extraordinaires jusqu'à la Cinquième, ont paru plus neutres et moins puissants samedi soir (6e et 7e). Quoi qu'il en soit, Järvi et la DKP ont fait deux tiers du chemin à parcourir dans cette partition. Peut-être les échos de quelques grands anciens, tels Mitropoulos, Szell ou Paray, apporteront-ils quelques pistes intéressantes au féru d'enregistrements anciens qu'est Paavo Järvi!
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