Beethoven Festival


Le Nouveau Grand-Prêtre De Beethoven

http://www.classicstodayfrance.com/edito/0510-beethoven.asp
Le Festival Beethoven, qui vient de se conclure dans la ville natale du compositeur, Bonn, a été l'occasion de mettre en regard plusieurs tendances interprétatives dans l'interprétation de sa musique symphonique.
Elle n'a évidemment jamais existé, cette perspective évoquée par certains pour vendre l'intégrale de Simon Rattle, selon laquelle l'avènement d'une nouvelle édition critique des partitions amènerait l'émergence d'une nouvelle génération de grands beethovéniens. Jusqu'à preuve du contraire, sauf utilisation d'éditions massacrées de Symphonies de Bruckner par Knappertsbusch ou Matacic, le talent interprétatif a son siège dans la conscience et l'intelligence du musicien, pas dans quelques dynamiques ou liaisons révisées à gauche et à droite que des imprimeurs de portées vendent à des prix parfaitement éhontés.
Curieusement, malgré Bärenreiter, et non à cause de lui, on assiste peut-être tout de même à la montée d'une nouvelle génération de beethovéniens. Il y a certains qui aimeraient bien en être et il y a celui qui l'est. Parmi les "Möchte gern" comme on dit en allemand, le roi Rattle a fait ses preuves au disque, avec son obsession pour les sons flûtées et sa manie de faire surgir, comme des fenêtres publicitaires "pop up" d'un site internet, tel ou tel équilibre qu'il croit avoir réinventé.
Bonn nous a montré que la longue lignée des fous du roi n'était pas éteinte, grâce à l'inénarrable et velléitaire Paul McCreesh, qui s'agitait devant une formation réduite du Philharmonique de Radio-France, pour jouer l'Héroïque "sensa vibrato", mais aussi "sensa fil conducteur". La crispation, la détermination féroce, ne s'accommode certes pas de ces gestes de chef de chœur et de ces poses destinées à montrer son beau profil aux manants de l'audience.
Si je parle de McCreesh c'est parce qu'il tentait, à Bonn, de rendre justice au caractère révolutionnaire de l'Héroïque, une symphonie relue par Paavo Järvi et la Deutsche Kammerphilharmonie à Montréal en août 2005: pas un instant de répit; une menée du premier mouvement rappelant le grand Scherchen et une Marche funèbre totalement revisitée dans ses équilibres et couleurs, évoquant une sorte de Gossec sublimé. Ce fut un choc, dévastateur. Eh bien, Paavo Järvi et son orchestre étaient aussi de la partie à Bonn, cette fois dans la Cinquième. Re-choc.
Avec un orchestre qui lui répond au doigt et à l'œil, Paavo Järvi semble avoir intégré les leçons stylistiques des baroqueux, il en a pris le meilleur, et le reporte sur un orchestre de 40 musiciens, la taille de l'époque, ce qui lui permet de garder des proportions réelles et de laisser bois et cuivres jouer sans se restreindre, mais sans "gueuler". Le tout est mené par un vrai chef, qui sait conduire les tensions, tenir un tempo et, avec une gestique professionnelle, cadrer son orchestre. Sa vision se nourrit de nouvelles perspectives sonores, qui ne sont jamais esthétisantes. Beethoven en sort "autre" et lumineux.
Il ne s'agit pas de jeter aux orties les "grands anciens", mais Beethoven a sans doute trouvé aujourd'hui un nouveau grand-prêtre. Paavo Järvi n'est pas seul et il apparaît évident, par exemple à l'écoute du CD de l'Opus 61a par Berezovski et Dausgaard chez Simax, disque du mois en cet automne 2005, que le "Beethoven chambriste à impact" est la tendance du jour. Paavo Järvi; lui, doit enregistrer l'intégrale chez PentaTone. Il interprètera l'intégrale en concert en mai 2006 à Yokohama. On l'attend à New York, où il a dirigé son Héroïque à guichets fermés, peut-être à Strasbourg, sans doute à Montréal en 2007. Ouvrez grand vos oreilles: la bourrasque arrive.
Christophe Huss

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