CD REVIEW: Bruckner 7

December 27, 2008

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Vision "solaire", sereine, voire tranquille, opulente et d'une claire architecture, le regard de Paavo Järvi sur Bruckner s'inscrit dans le sillon tracé avant lui par Wand, avec une vie intérieure qui verse parfois du côté de Bernstein. Premier jalon d'une intégrale avec l'orchestre de la radio de Francfort, à suivre...


Bruckner titille les aspirationsbouddhistes du chef, futur directeur musical de l'Orchestre de Paris (en 2010, à la succession de Christoph Eschenbach). Cette confession est rapportée dans le livret du cd. Mais outre l'élan mystique et la profondeur sacrée de la musique, Paavo Jarvi séduit indiscutablement par son approche raisonnée, qui souligne la solidité architecturale de la partition. En musicien surtout, avant d'être penseur, le maestro prend son temps, construit, bâtit donc dans la version Nowak, un édifice rayonnant et stable, y compris dans le profond Adagio, plus sombre et désespéré chez d'autres interprètes, mais porté par le sentiment d'une indéfectible sérénité.
Contre la lenteur d'un Celibidache, Järvi opère un geste de compromis vers plus de vie et d'intériorité vivante dans chaque épisode, à la Bernstein, en quelque sorte. Sous sa baguette, chaque idée musicale exprime une nécessité intérieure, dirigée vers un accomplissement radieux, plus présent que dans n'importe quelle autre opus brucknérien. Le chef souligne le déroulement et le développement vers leur résolution, la couleur solaire, "classique" du massif dans sa totalité. Cette vision unitaire s'avère puissante et pertinente, équilibrée, guère soumise à la moindre tension: pas de trouble ni de vertige. C'est le chant d'un ordre in fine jamais remis en question.
Directeur musical de l'Orchestre de la Radio  de Francfort depuis 2006, l'année de cet enregistrement, Paavo Järvi démontre une évidente compréhension de la musique de Bruckner: à la propension à la lenteur méditative (frappante dans l'Adagio déjà cité ou mouvement II), le chef se montre d'une nervosité dramatique plus engageante dans le Scherzo, tout en ciselant avec ampleur et opulence, la solennité de l'effectif: massivité colossale (wagnérienne) et allant du Finale, lui aussi parfaitement étagé.

Disciple de Wand, et aussi de Furtwängler, le maestro dévoile tout autant une sensibilité instrumentale analytique, détachant timbres et alliances de couleurs, aux cordes, aux cuivres, aux bois. Disposant d'une phalange qui a déjà joué Bruckner dans son histoire (sous la direction d'Eliahu Inbal), Paavo Järvi annonce la suite de cette aventure Bruckner à Francfort, l'idée d'une intégrale a même été clairement annoncée. Nous suivrons donc ce nouveau cycle Brucknérien, aux côtés des lectures parallèles, proches, avec un orchestre plus somptueux encore (Staatskapelle Dresden, Fabio Luisi, dans une Symphonie n°9 de Bruckner, envoûtante), plus éloignée et tout autant captivante, sur instruments d'époque et orchestre "dégraissé" d'autant plus ciselé et mordant, celui des Champs Elysées, sous la conduite essentielle de Philippe Herreweghe.
Mis en perspective avec la parution d'un récent livre sur Anton Bruckner paru aux éditions Actes Sud, le retour de Bruckner se confirme mois après mois. Ce nouveau cycle des symphonies d'Anton Bruckner devrait se révéler capital en dévoilant les capacités interprétatives du chef d'origine estonienne, avant sa prise de fonction à Paris. A suivre pas à pas.

Anton Bruckner (1824-1896): Symphonie n°7 en mi majeur, 1881-1883. HR Sinfonieorchester, Frankfurt radio symphony orchestra. Paavo Jarvi, direction. Ampleur et profondeur sonore attractive grâce à l'enregistrement en sacd.

Alban Deags - samedi 27 décembre 2008

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