Fin de saison éblouissante et grandiose pour l’Orchestre de Paris

Toutelaculture.com
Marie Charlotte Mallard
21 juin 2013
Ce jeudi l’Orchestre de Paris retrouvait pour clore sa saison, la baguette de son directeur musical Paavo Järvi, et donnait à entendre un trio de compositeurs symphonistes de choc : Sibélius, Chostakovitch et Malher. Du cygne de Tuonela extrait de la suite Lemminkaïnen de Sibelius, au Concerto pour violon n°1 en La mineur de Chostakovitch où l’orchestre accompagnait Frank Peter Zimmermann à la 1ere symphonie de Malher, tout ce soir fut d’une splendeur époustouflante. Une fin de saison éblouissante pour l’orchestre de Paris qui nous confirma irrémédiablement ce soir son excellence.
paavo jarviipaavojarvi.com 
L’œuvre de Sibélius, poème symphonique méditatif, vous plonge dès son commencement dans une sorte de limbe mystérieuse par le gonflement progressif de l’orchestre qui très vite, laissera place à la mélancolie du cor anglais qui s’exprimera tout du long sur fond de cordes doucement frémissantes, précautionneuses, discrètes et feutrées. L’esprit de l’œuvre sublimée ce soir par l’Orchestre de Paris qui en fit ressortir avec grâce, lumière féérique autant que sombre tristesse, fêlure intérieure mise en musique par la complainte du cor anglais, nous happait malgré nous dans l’univers étrange de Sibélius et nous enveloppait paisiblement. Une intemporalité intrigante et angoissante flottait alors littéralement salle Pleyel, un climat créé et magnifié par une gestion hors pair, fine et rigoureuse du nuancier et des couleurs.
WLG_Zimmerm
Après cette douceur amère, place au brutal et sévère Concerto pour violon n°1 en La mineur de Chostakovitch interprété par Frank Peter Zimmermann. Le concerto débute par un Nocturne sombre et insaisissable dont la mélodie tortueuse serpente des graves aux aigus pour venir jouer sur les cordes les plus sensibles de l’instrument. Le violon de Zimmermann revêt dans les graves la rondeur de l’alto qui tranche avec l’éclat initial du violon et la clarté des aigus. Encore une fois le spectateur est plongé dans une atmosphère ténébreuse, énigmatique, suspicieuse, torturée et immatérielle. Le second mouvement, un Scherzo, débute précipitamment. Une note posée brutalement par le violon sonne le départ fugué d’une flûte virevoltante, motif repris aussitôt par l’instrument soliste. Le mouvement entier est une sorte de course frénétique et hargneuse aux accents maléfiques, le violon y apparaît d’ailleurs comme possédé. La cohérence entre le soliste est l’orchestre est ici impressionnante car le mouvement où se superposent divers petits motifs et interventions venues de toute part donnant à entendre les désordres incontrôlés que provoque la colère, exige une cohésion extrême. Zimmermann est à ce point impressionnant de maîtrise et de virtuosité que même les violonistes de l’orchestre le regardent avec admiration et semblent se régaler à l’observer. La passacaille du troisième mouvement commence pompeusement, l’orchestre se fait lourd et semble marcher avec pesanteur et solennité alors que le violon fait ressortir une tristesse sensible, mélancolie délicate aux accents tziganes, un déchirement poignant parfois contemplatif duquel on retrouve le côté insaisissable du premier mouvement. La passacaille se clôt sur une longue cadence du violon solo dont les montées en arpège calme du début, deviennent de plus en plus brutales. Le violoniste frotte de plus en plus sèchement et brusquement les cordes faisant résonner les doubles cordes avec une insolence espiègle et enfantine, permettant de faire ressortir toute l’ironie de la cadence. L’orchestre survint alors, grondant, tonitruant, pour enchaîner sur le dernier mouvement de l’œuvre intitulé Burlesque et sans nul doute le plus fou et virtuose du concerto. Frénétique et infernal, il ne semble pas apeurer notre soliste qui s’amuse indubitablement, sautant, se tournant vers les musiciens pour leur passer le relais avec fougue et vigueur. La virtuosité prodigieuse et stupéfiante de Zimmermann subjugue littéralement. La salle sous le choc n’attendit pas de voir la baguette du chef redescendre pour crier son admiration et applaudir à tout rompre avec une ferveur rare. Rappelé 4 fois sur scène le musicien gratifiera son succès d’un bis virtuose.
Après l’entracte, et pour clore la soirée ainsi que la saison de l’Orchestre de Paris à Pleyel était donnée la Symphonie n°1 en ré majeur dite Titan de Malher. Que dire tant son interprétation fut en tout point parfaite, et captivante. Une maîtrise des nuances improbable et incroyable de précision, une virtuosité pour tous les pupitres largement maîtrisée, une gestion et une exigence quant aux  timbres, et des couleurs sublimes et extrêmement bien menées. Des musiciens plus qu’investis, véritablement habités. Ce soir, dans cette symphonie, l’Orchestre de Paris fut plus que brillant et resplendissant, il fut indubitablement excellent !
orchestre de parisLe premier mouvement débute imperceptiblement, les cordes dans une nuance plus lointaine encore qu’un pianississimo créent un tapis sonore, qui petit à petit prend de plus en plus de volume. Puis, venant des coulisses résonne tout à coup un appel de trompette. L’ambiance se crée peu à peu et la musique revêt de plus en plus un côté champêtre, nous plongeant dans une forêt de timbres d’où l’on entend chanter le coucou (incarné par la clarinette), et l’on semble retrouver au loin le cor de chasse. Le décor se pose et se crée ainsi peu à peu à nos yeux et le compositeur nous assujettis pour mieux nous faire entendre son discours. De cet éveil de la nature l’on glisse au second mouvement dans une valse lente et ironique dont l’esprit viennois nous interpelle. L’ambiance devient alors de plus en plus populaire, clarinettes et cors lèvent haut le pavillon comme pour mieux se faire entendre. Le troisième mouvement reste le plus surprenant et le plus accrocheur de l’œuvre, jouant autour du thème de « frère Jacques » transposé pour lui donner une tonalité plus hébraïque. Introduit par la contrebasse il est ensuite repris tour à tour en canon par les autres pupitres et l’orchestre ne cessera de jouer et de déformer ce  thème. Le dernier mouvement fut véritablement l’apothéose de la soirée. Dramatique et tumultueux, l’orchestre y exprima toute sa force, sa fougue, et sa fureur, tel un monstre enragé, il donnait à entendre des cordes dramatiques et dangereuses à outrance, des cuivres claironnants, retentissants et éblouissants (les 7 cors se lèveront même à la fin pour faire preuve de d’autant plus de force), ainsi que des clarinettes claquantes. Une brutalité noble, explosive et grisante véritablement impressionnante.
Outre la force, l’unité de l’orchestre dans la multiplicité thématique de l’œuvre, la capacité de ceux-ci à changer de timbre ou de phrasé tantôt doux, tantôt cinglant et perçant, la capacité de Paavo Jarvi à avoir telle maîtrise sur ses musiciens (que l’on avait vu il y a quelques semaines beaucoup moins réceptifs), à savoir les conduire et guider parfaitement, les pousser dans des nuances toujours plus approfondies, un rythme et une mesure maîtrisés au millimètre près, reste bluffante. La mobilisation de l’ensemble fit ce soir briller l’Orchestre de Paris plus que de mesure qui nous gratifia d’une prestation majestueuse et grandiose. Comme nous le disions en introduction l’orchestre de Paris confirma ce soir indéniablement son excellence et se plaça même selon nous au rang des plus grands orchestres internationaux. Inutile de préciser que le public fut en liesse et applaudit encore une fois à s’en faire mal aux mains, ne cessant de crier bravo, saluant tous les pupitres…
La 1ère symphonie de Malher sera à apprécier ce soir à l’occasion de la fête de la musique sous la pyramide du Louvre à partir de 22h30.
Visuel : Paavo Jarvi: Paavojarvi.com / Frank Peter Zimmermann panovnik.blogspot.com / une: orchestredeparis.com

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