Retour gagnant de l'Orchestre de Paris à Aix
LeFigaro.fr
Christian Merlin
08/07/2014
Christian Merlin
08/07/2014
LA
CHRONIQUE DE CHRISTIAN MERLIN - Avec l'hommage à Patrice Chéreau,
la formation dePaavo
Järvi confirme qu'elle a sa place au festival d'art lyrique.
Le
concert donné par l'Orchestre de Paris au Festival d'Aix a une
portée symbolique. Pas seulement parce
qu'il s'agissait d'un hommage à Patrice Chéreau, qui a donné dans
ce lieu-même avec Elektra, un
an avant, son dernier chef-d'oeuvre avant de tirer définitivement sa
révérence. Pour l'occasion, Waltraud
Meier, qui avait été pour le regretté metteur en scène la Marie
de Wozzeck, l'Isolde, et pour
finir la Clytemnestre absolue, interprétait les Wesendonk Lieder de
Wagner avec une classe et une
présence qui, malgré les fêlures d'une voix entrée dans la
dernière phase de son parcours, font d'elle
un monstre sacré. C'était surtout la consolidation d'un lien entre
le premier festival français d'art
lyrique et l'Orchestre de Paris.
Un
peu d'histoire. Lorsque le rideau se lève pour la première fois au
Festival d'Aix, pour le Don
Giovanni
inaugural de 1949, l'orchestre présent est la Société des concerts
du conservatoire:
l'ancêtre
direct de l'Orchestre de Paris. Il y restera une bonne vingtaine
d'années. Depuis, les
formations,
surtout internationales, ont alterné à Aix sans réel suivi,
jusqu'à ce que s'impose l'idée de
résidence. Stéphane Lissner fit venir le Philharmonique de Berlin
pour le Ring, Bernard Foccroulle
se lia au London Symphony Orchestra, puis à l'Orchestre Baroque de
Fribourg.
Un
triomphe absolu
Au
moment du pharaonique (et faramineux) projet d'Elektra mis en scène
par Patrice Chéreau et dirigé
par Esa-Pekka Salonen, l'un des points culminants de toute l'histoire
du Festival, on se mit d'accord
sur l'Orchestre de Paris. Foin de langue de bois: avec la conviction
très auto-flagellatrice selon
laquelle les orchestres français ne sont pas concurrentiels,
certains ne cachaient pas leur scepticisme
à l'idée de voir nos musiciens s'attaquer à l'un des ouvrages les
plus exigeants de tout le répertoire.
Ce fut un triomphe absolu. Nous n'étions en rien surpris, puisque,
pour les suivre au jour le
jour, nous tentions depuis des années d'attirer l'attention sur la
forme actuelle de l'OP. La prestation
orchestrale fut telle que, en l'absence de tout projet concret
d'opéra pour les prochaines éditions,
il fut décidé d'ajouter au dernier moment un concert symphonique
cet été, sous la baguette du
directeur musical Paavo Järvi.
Soyons
honnête, ce ne fut pas forcément le meilleur concert de l'année
pour notre formation, que l'on
avait sentie plus énergique dans une irrésistible Septième de
Beethoven à Pleyel voici trois semaines.
Cela tient peut-être au programme, bizarrement fagoté. Une pièce
contemporaine très prenante
de Fabio Vacchi, Dai calanchi di Sabbiuno, belle élégie
contemplative, la Suite du Chevalier
à la rose, virtuose et claire mais trop carrée, rappelant que Järvi
est un chef symphonique et
non de théâtre: l'opéra nous manque.
Même
sa très belle Cinquième de Tchaïkovski, construite, compacte, sans
la moindre trace de
sentimentalisme
sirupeux, manquait un peu de souffle tragique, malgré une qualité instrumentale stimulée
par le solo de cor impeccable de Benoît de Barsony et l'ardeur
entraînante du premier violon
Philipppe Aïche. Mais qu'importe. Aujourd'hui, on sait que même un
concert un peu moins passionnant
de l'Orchestre de Paris ne descend pas en dessous d'un standard
d'excellence qui est devenu
la norme.
Ce
n'est pas si fréquent pour un orchestre français. Du coup, on se
prend à rêver. Le Philharmonique de
Vienne est l'orchestre du Festival de Salzbourg, le London
Philharmonic celui du Festival de Glyndebourne.
Un jour peut-être l'Orchestre de Paris en résidence à
Aix-en-Provence? En tout cas, rendez-vous
pour le Rake's Progress dirigé par Salonen en 2017.
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