Festival de Lanaudière: Schumann éclipse Hilary Hahn
La Presse
01 août 2010
Le deuxième concert de la Deutsche Kammerphilharmonie Bremen -la Philharmonie allemande de chambre, de Brême- a attiré hier soir à l'Amphithéâtre du Festival de Lanaudière environ 4000 personnes, soit deux fois plus que la veille.
Nul doute que ce succès d'assistance est dû à la présence de Hilary Hahn comme soliste. Et pourtant, la délicate violoniste américaine de 30 ans ne jouait pas Schumann, le compositeur que l'orchestre allemand était venu fêter, mais plutôt Beethoven.
On peut d'ailleurs se demander pourquoi Beethoven figurait dans cette série de trois concerts centrée sur le bicentenaire de Schumann, comme on peut se demander pourquoi on joue un concerto pour piano de Mozart au concert final cet après-midi.
Schumann a laissé trois grands concertos, respectivement pour piano (très connu), pour violoncelle (un peu moins joué) et pour violon (très rarement programmé), et l'idéal eût été d'en inscrire un à chaque programme. On célèbre Schumann... ou bien on le célèbre à moitié.
De toute façon, c'est Schumann qui a volé la vedette hier soir, grâce à l'interprétation extraordinairement claire, vivante et généreuse de la première Symphonie que Paavo Järvi et ses 50 musiciens ont donnée après l'entracte.
L'oeuvre en quatre mouvements -dont les trois derniers sont joués d'une seule traite, ce qui empêche les gens d'applaudir où il ne faut pas!- vibre d'une exubérance qui lui a valu le titre de Frühling, c'est-à-dire «Printemps», titre autorisé par Schumann bien que non choisi par lui.
J'ai commenté hier, dans ma critique du concert de vendredi, la qualité du jeu orchestral telle que mise en valeur par l'acoustique précise de l'Amphithéâtre et un résultat sonore qui annihile la réputation de mauvais orchestrateur faite à Schumann. J'ajoute simplement que le chef, là encore, prolongeait le plaisir de l'écoute en faisant toutes les reprises.
En début de concert, il dirigeait l'ouverture de l'unique opéra de Schumann, Genoveva, aux belles sonorités de cors. En passant, la liste des musiciens comportait un nom familier : Robert Slapcoff, de Montréal, s'est retrouvé aux percussions, sans qu'on explique pourquoi.
Comme la veille, le chef a répondu à l'ovation du public par un rappel: le finale de la première Symphonie de Beethoven, dont l'humour lui inspira un brin de cabotinage tout à fait justifié.
Une ovation égale avait salué avant l'entracte le Beethoven de Hilary Hahn. Près de 90 mesures d'introduction précèdent l'entrée du violon - 90 mesures pendant lesquelles la jeune diva de l'archet observe les musiciens autour d'elle avec l'air de dire: «Où donc suis-je tombée ?...»
Ce qu'accomplit Hilary Hahn au plan strictement violonistique -articulation, justesse, sonorité- est proche de la perfection. Là-dessus, c'est 10 sur 10, ou presque. Mais ce son est beaucoup trop fin pour Beethoven, le mouvement lent est carrément ralenti et l'ensemble du discours est affecté et manque de naturel. La soliste réussit néanmoins à attirer l'attention sur elle au point qu'on oublie qu'il y a là, aussi, un orchestre complet.
Ses cadences aux premier et dernier mouvements étaient celles de Fritz Kreisler. En rappel, elle a joué la Sarabande de la deuxième Partita, en ré mineur, BWV 1004, de Bach.
DEUTSCHE KAMMERPHILHARMONIE BREMEN. Chef d'orchestre : Paavo Järvi. Soliste : Hilary Hahn, violoniste. Hier soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 33e Festival de Lanaudière.
Programme :
Ouverture de l'opéra Genoveva, op. 81 (1847-50) - Schumann
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 61 (1806) - Beethoven
Symphonie no 1, en si bémol majeur, op. 38 ( Frühling )(1841) - Schumann
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