Alchimie

Par Christian Merlin
Le Figaro
14/12/10

Pourquoi certains orchestres ont-ils le vent en poupe quand d'autres marquent le pas? Pour être plus précis: pourquoi l'Orchestre de Paris engrange-t-il triomphe sur triomphe, quand l'Orchestre national de France et l'Orchestre philharmonique de Radio France évoluent en dents de scie? Conjonction de facteurs difficile à démêler, un peu comme pour les équipes de football. La qualité des musiciens n'est pas suffisante: le collectif dépasse tellement la somme des individualités, que les mêmes instrumentistes peuvent passer de l'excellence à la médiocrité en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Les conditions pour que l'alchimie fonctionne? Une dynamique de groupe, des musiciens confiants et fiers d'appartenir à leur orchestre, un directeur musical incontestable, une administration responsable et inventive, une identité artistique définie, un lien de fidélité avec le public. Depuis l'arrivée de Paavo Järvi, on sent chaque semaine les musiciens concentrés et investis, désireux de puiser sans réserve dans un potentiel qu'ils souffraient de voir mal exploité ces dernières années. Avec 4500 abonnés, ils ont reconquis un public et le résultat est là. Les concerts sont tous plus brillants les uns que les autres, sans se ressembler puisque David Zinman fut capable d'obtenir transparence et légèreté d'un orchestre que Järvi fait sonner puissant et compact.

Depuis septembre, les deux orchestres de Radio France n'ont pas toujours été à la même fête. On a trouvé le National flamboyant et motivé dans la Cinquième de Mahler avec Daniele Gatti, mais éteint dans Schumann et prosaïque dans Verdi avec le même, morose dans Brahms avec Hartmut Haenchen. À la recherche d'un successeur à Myung-Whun Chung, qui fête ses dix ans à sa tête, le «Philhar» a brillé avec Inbal, mais ses prestations avec Eötvös ou Foster ont confirmé la tendance à une sonorité standardisée, revers d'un niveau technique très affûté. Irrégularité dans la qualité qui s'accompagne de salles trop souvent clairsemées. Avec sa structure associative, l'Orchestre de Paris serait-il plus souple que la lourde machine de Radio France? Avec l'extraordinaire force de frappe du service public, les deux orchestres de la Maison ronde devraient jouer un rôle moteur, avec pour chacun une identité qu'il n'est pas toujours facile de repérer. Les musiciens sont les premiers à vouloir être fiers de leur magnifique outil. Souhaitons qu'ils soient portés par une politique ambitieuse et cohérente en termes de programmation et de communication. Le paysage musical parisien a tout à y gagner.

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