Tout en contrastes
concertonet.com
Sebastien Gauthier
M. Pressler (© Alain Barker)
Paavo Järvi, dont le concert de ce soir aura montré à l’évidence qu’il continue d’entretenir une fructueuse lune de miel avec l’Orchestre de Paris, a de la suite dans les idées. Ainsi, après avoir déjà donné la Quatre-vingt-troisième Symphonie «La Poule» et la Quatre-vingt-cinquième «La Reine» de Haydn, le voici qui programme une autre des six Symphonies «Parisiennes». De même, le chef estonien, par ses racines et sa culture, a toujours affiché un réel tropisme à l’égard de la musique d’Europe du Nord, qu’il s’agisse de Nielsen, Tubin ou Sibelius. Ce soir encore, il aura donc invité le public de la salle Pleyel (comble, comme la veille dans un programme pourtant totalement différent) à entendre une symphonie de Sibelius que l’Orchestre de Paris n’avait pas jouée depuis plus de dix ans.
Mais le concert commençait donc par une première partie entièrement viennoise avec deux de ses plus emblématiques représentants. Les Symphonies «Parisiennes» de Haydn sont malheureusement trop peu jouées alors que, outre qu’elles permettent de décrasser un orchestre symphonique, elles offrent de splendides moments à l’auditeur qui se laisse ainsi porté par des mélodies toujours enjouées et imaginatives. La Quatre-vingt-quatrième (1786), moins célèbre que d’autres – ne serait-ce que parce qu’elle ne possède aucun surnom –, en est un parfait exemple, dès la lente introduction qui laisse ensuite place à une continuelle dextérité des violons. A ce jeu-là, sous la houlette de leur premier violon Roland Daugareil, les cordes de l’Orchestre de Paris encourent peu de reproches, les articulations s’enchaînant sans coup férir, les archets tressautant sur les cordes et, même si le dernier mouvement est parfois un peu raide, le résultat est du plus bel effet. Dans le deuxième mouvement, on insistera sur la très belle participation des bois, et notamment de Marc Trénel au basson, d’ailleurs fort sollicité ce soir.
Changement de disposition pour la deuxième œuvre au programme, qui permettait d’entendre une légende du piano en la personne de Menahem Pressler. Alors que ce devait être initialement le Vingt-troisième Concerto de Mozart (qu’il avait d’ailleurs donné il y a quelques années sous la baguette de Daniele Gatti), c’est le Vingt-septième (1791) qui fut finalement interprété par le fondateur – en 1955! – du Beaux-Arts Trio. Et quelle interprétation qui, à défaut d’être spectaculaire ou pleine d’émotion, fut frappée du sceau de l’évidence et du naturel. On ne se pose jamais la question du tempo car c’est bien entendu le bon. On ne se demande jamais s’il y a ou non faute de goût car cette notion est évidemment étrangère à Pressler. On ne suppute jamais de ce qu’il va advenir de la phrase à venir car le discours s’enchaîne avec une logique aussi implacable qu’évidente. Si l’on a pu avoir quelque crainte au début du premier mouvement du côté de l’orchestre (une légère affectation dans le phrasé, une entrée un peu rude des bois), Paavo Järvi se mue rapidement en accompagnateur attentif, au diapason de l’atmosphère de musique de chambre souhaitée par un vaillant soliste de presque 89 ans! Aussi, c’est très naturellement que le public de la salle Pleyel se lève pour ovationner cet éternel jeune homme – pour filer la métaphore mozartienne – qui interprète, en bis, un «Clair de lune» de la Suite bergamasque de Debussy tout en finesse et en subtilité.
L’œuvre de Sibelius demeure encore trop peu souvent à l’affiche des salles de concert, ce qui est regrettable. Ainsi, lOorchestre de Paris n’avait pas donné sa Première Symphonie (1899-1900) depuis 2000, celle-ci ayant été jouée depuis par le Philharmonique de Los Angeles en novembre 2007, par le National il y a quatre ans et, en dernier lieu, par le Philharmonique de Vienne en mai 2009. Paavo Järvi, conduisant un orchestre en grande forme – citons entre autres Frédéric Macarez aux timbales, Marie-Pierre Chavaroche à la harpe, Andréa Cazalet au cor, Philippe Berrod à la clarinette –, en donne une version en technicolor. Ne reculant devant aucun effet, fût-ce certes parfois de manière un peu facile, Järvi confère toute son ampleur aux roulements de timbales, aux accents dans les tutti, tout spécialement dans les mouvements pairs. Même si l’ensemble reste convaincant, on y perd néanmoins certaines couleurs, peut-être même un brin de délicatesse qui innerve l’ensemble de l’œuvre du compositeur finlandais. Pour autant, on ne peut qu’applaudir l’initiative d’avoir ainsi programmé une œuvre aussi magnifique. Le chemin emprunté par le nouveau directeur musical depuis son arrivée à la tête de l’Orchestre de Paris est indéniablement le bon.
http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=8746
Sebastien Gauthier
Paris
Salle Pleyel
10/17/2012 - et 18 octobre 2012
Joseph Haydn : Symphonie n° 84 en mi bémol majeur
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano et orchestre n° 27 en si bémol majeur, K. 595
Jean Sibelius : Symphonie n° 1 en mi mineur, opus 39
Menahem Pressler (piano)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)
Salle Pleyel
10/17/2012 - et 18 octobre 2012
Joseph Haydn : Symphonie n° 84 en mi bémol majeur
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano et orchestre n° 27 en si bémol majeur, K. 595
Jean Sibelius : Symphonie n° 1 en mi mineur, opus 39
Menahem Pressler (piano)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)
M. Pressler (© Alain Barker)
Paavo Järvi, dont le concert de ce soir aura montré à l’évidence qu’il continue d’entretenir une fructueuse lune de miel avec l’Orchestre de Paris, a de la suite dans les idées. Ainsi, après avoir déjà donné la Quatre-vingt-troisième Symphonie «La Poule» et la Quatre-vingt-cinquième «La Reine» de Haydn, le voici qui programme une autre des six Symphonies «Parisiennes». De même, le chef estonien, par ses racines et sa culture, a toujours affiché un réel tropisme à l’égard de la musique d’Europe du Nord, qu’il s’agisse de Nielsen, Tubin ou Sibelius. Ce soir encore, il aura donc invité le public de la salle Pleyel (comble, comme la veille dans un programme pourtant totalement différent) à entendre une symphonie de Sibelius que l’Orchestre de Paris n’avait pas jouée depuis plus de dix ans.
Mais le concert commençait donc par une première partie entièrement viennoise avec deux de ses plus emblématiques représentants. Les Symphonies «Parisiennes» de Haydn sont malheureusement trop peu jouées alors que, outre qu’elles permettent de décrasser un orchestre symphonique, elles offrent de splendides moments à l’auditeur qui se laisse ainsi porté par des mélodies toujours enjouées et imaginatives. La Quatre-vingt-quatrième (1786), moins célèbre que d’autres – ne serait-ce que parce qu’elle ne possède aucun surnom –, en est un parfait exemple, dès la lente introduction qui laisse ensuite place à une continuelle dextérité des violons. A ce jeu-là, sous la houlette de leur premier violon Roland Daugareil, les cordes de l’Orchestre de Paris encourent peu de reproches, les articulations s’enchaînant sans coup férir, les archets tressautant sur les cordes et, même si le dernier mouvement est parfois un peu raide, le résultat est du plus bel effet. Dans le deuxième mouvement, on insistera sur la très belle participation des bois, et notamment de Marc Trénel au basson, d’ailleurs fort sollicité ce soir.
Changement de disposition pour la deuxième œuvre au programme, qui permettait d’entendre une légende du piano en la personne de Menahem Pressler. Alors que ce devait être initialement le Vingt-troisième Concerto de Mozart (qu’il avait d’ailleurs donné il y a quelques années sous la baguette de Daniele Gatti), c’est le Vingt-septième (1791) qui fut finalement interprété par le fondateur – en 1955! – du Beaux-Arts Trio. Et quelle interprétation qui, à défaut d’être spectaculaire ou pleine d’émotion, fut frappée du sceau de l’évidence et du naturel. On ne se pose jamais la question du tempo car c’est bien entendu le bon. On ne se demande jamais s’il y a ou non faute de goût car cette notion est évidemment étrangère à Pressler. On ne suppute jamais de ce qu’il va advenir de la phrase à venir car le discours s’enchaîne avec une logique aussi implacable qu’évidente. Si l’on a pu avoir quelque crainte au début du premier mouvement du côté de l’orchestre (une légère affectation dans le phrasé, une entrée un peu rude des bois), Paavo Järvi se mue rapidement en accompagnateur attentif, au diapason de l’atmosphère de musique de chambre souhaitée par un vaillant soliste de presque 89 ans! Aussi, c’est très naturellement que le public de la salle Pleyel se lève pour ovationner cet éternel jeune homme – pour filer la métaphore mozartienne – qui interprète, en bis, un «Clair de lune» de la Suite bergamasque de Debussy tout en finesse et en subtilité.
L’œuvre de Sibelius demeure encore trop peu souvent à l’affiche des salles de concert, ce qui est regrettable. Ainsi, lOorchestre de Paris n’avait pas donné sa Première Symphonie (1899-1900) depuis 2000, celle-ci ayant été jouée depuis par le Philharmonique de Los Angeles en novembre 2007, par le National il y a quatre ans et, en dernier lieu, par le Philharmonique de Vienne en mai 2009. Paavo Järvi, conduisant un orchestre en grande forme – citons entre autres Frédéric Macarez aux timbales, Marie-Pierre Chavaroche à la harpe, Andréa Cazalet au cor, Philippe Berrod à la clarinette –, en donne une version en technicolor. Ne reculant devant aucun effet, fût-ce certes parfois de manière un peu facile, Järvi confère toute son ampleur aux roulements de timbales, aux accents dans les tutti, tout spécialement dans les mouvements pairs. Même si l’ensemble reste convaincant, on y perd néanmoins certaines couleurs, peut-être même un brin de délicatesse qui innerve l’ensemble de l’œuvre du compositeur finlandais. Pour autant, on ne peut qu’applaudir l’initiative d’avoir ainsi programmé une œuvre aussi magnifique. Le chemin emprunté par le nouveau directeur musical depuis son arrivée à la tête de l’Orchestre de Paris est indéniablement le bon.
http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=8746
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