Vengerov, Khatchatrian : violons dingues

LeFigaro.fr
Christian Merlin
15/09/2014

LA CHRONIQUE DE CHRISTIAN MERLIN - Les deux archets, l'un à Paris, l'autre au Festival de Lucerne, ont volé la vedette aux orchestres.
Maxim Vengerov, violoniste et chef d'orchestre russe. 
Eric Garault

Pour tout dire, on avait prévu, pour changer, de vous parler d'orchestre. La rentrée de l'Orchestre de Paris sous la direction de Paavo Järvi et trois concerts du Philharmonique de Vienne en clôture du Festival de Lucerne, qui reste le rendez-vous rêvé de tous les amoureux de symphonique, devaient en être l'occasion.

Seulement voilà, ce que l'on a retenu de ces soirées, ce sont deux violonistes! Non que les phalanges aient démérité: l'Orchestre de Paris a fait preuve d'une belle énergie et de cohésion dans la Troisième de Roussel et La Valse de Ravel, même si l'on peut souhaiter plus de subtilité, et les Wiener Philharmoniker ont rutilé dans la Deuxièmede Sibelius, la Huitièmede Dvorak et Shéhérazadede Rimski-Korsakov, sans que l'on sente une patte personnelle dans les interprétations extérieures de Gustavo Dudamel. Bref, des concerts de bonne tenue mais que l'on oublie assez vite. Les moments privilégiés, ceux dont on se souvient avec éblouissement, ce sont deux archets d'exception qui nous les ont offerts.

Soliste du Concertode Brahms avec l'Orchestre de Paris, Maxime Vengerov revient aux grands concertos après une interruption due à des problèmes physiques. Aurait-il recouvré ses capacités? Telle était la question que l'on se posait en abordant ce concert avec appréhension. La réponse est oui, et plus encore. Voilà du grand violon romantique à l'ancienne, flamboyant, ouvert, d'une sonorité constamment lumineuse, avec l'envoûtant Stradivarius «Kreutzer». Et sans les tics ostentatoires qu'on lui reprochait avant, et qui le faisaient régulièrement flirter avec la vulgarité.

L'art du pianissimo
Trois jours après, voici Sergueï Khatchatrian dans l'autre pilier des concertos pour violon, celui de Beethoven, avec le Philharmonique de Vienne. Un moment de grâce, onirique, funambulesque, entièrement tourné vers l'intérieur. Son interprétation très personnelle refuse aussi bien la rigueur classique que la virtuosité romantique, pour laisser parler une profondeur intime qui vous tire les larmes dès le premier son. Cet art du pianissimo murmuré dans l'aigu, sur son Guarnerius qui a appartenu à Ysaÿe, cette façon de poursuivre le moment où la beauté est si intense qu'elle en devient douloureuse, ne peuvent venir que d'un ange tombé du ciel. Ce qui est rassurant, c'est que la salle s'est levée comme un seul homme pour fêter le jeune violoniste de 29 ans. Mais le public de Lucerne a été formé par dix ans de fréquentation de Claudio Abbado, dont la leçon majeure est d'écouter le silence.
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