JÄRVI : PREMIÈRE INTÉGRALE DES SYMPHONIES DE SIBELIUS AVEC ORCHESTRE FRANÇAIS

resmusica.com
Jean-Luc Caron
17.02.2019

Grâce à Paavo Järvi, l’Orchestre de Paris a enregistré en concert public l’intégrale symphonique de Jean Sibelius. Un coffret de trois CDs publié par RCA rend compte de cette collaboration inédite. Comment se positionne-t-elle face à la concurrence internationale ?



Le chef estonien connaît intimement l’œuvre de Sibelius ; son pouvoir de persuasion et son enthousiasme ont eu raison des réticences françaises bien connues envers ce répertoire longtemps ignoré, voire dénigré. De plus, la compétition récente sur ce segment précis est rude. Si l’on met de côté les résultats mitigés de Simon Rattle (Philharmonique de Berlin, BP) et d’Osmo Vänskä (Orchestre du Minnesota, BIS), il faut compter, rien que pour les quinze dernières années, sur les réussites, aussi incontestables qu’embrasées, de John Storgårds (Orchestre philharmonique de la BBC, Chandos) et de Sakari Oramo (Philharmonique royal de Stockholm, Naxos), sans oublier les symphonies enregistrées par Alan Gilbert (New York Philharmonic). Paavo Järvi lui-même a enregistré sa première intégrale en 2009-2013 à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio de Francfort (RCA), un travail passionnant tant au plan de la qualité de la phalange allemande qu’à celui de la réflexion musicale propre.

Face à l’Orchestre de Paris, entre 2012 et 2016, Järvi, on le perçoit, a dû fournir énergie et détermination pour conduire l’orchestre parisien à une compréhension et une adhésion suffisantes pour justifier la concrétisation de la première intégrale assurée par un orchestre français. Les traits caractéristiques du chef se retrouvent avec ses tempos plutôt rapides, des articulations nerveuses et vives, des mouvements lents apaisés mais jamais languides. Son aisance dans les passages les plus dynamiques emporte l’adhésion, par exemple dans le Finale (4e mouvement) de la Symphonie n° 2. De plus, le cycle bénéficie d’une lecture analytique très instructive laissant entendre des instruments ou des sections le plus souvent étouffés par la masse orchestrale. De cette collaboration synergique, l’esprit de Sibelius souffle, tour à tour épique et intimiste, même si la perception d’un certain manque d’automatisme et de coulant idiosyncrasique est perceptible ici ou là.

Ainsi l’énigmatique Symphonie n° 4 figure au sommet du corpus avec sa profonde beauté et son langage unique impressionnant. L’éclat lumineux et les élans orchestraux irrésistibles caractérisent l’Allegro final de la Symphonie n° 2tandis que la suivante, engagée et entraînante, dévoile des traits rarement entendus dans les autres gravures. La plus célèbre du cycle, portant le numéro 5, inspire autant le chef que les pupitres de l’Orchestre de Paris au meilleur de leur forme. Leur exécution du fameux ultime mouvement mérite l’écoute. La clarté et la douceur, discrètement minées par une sourde menace, de la Symphonie n° 6 se trouvent parfaitement rendues par les protagonistes. Le septième et dernier volet de ce corpus, véhicule de tant de nouveautés et de profondeur, inspire l’orchestre et son chef et figure en bonne place dans la compétition internationale.

La qualité technique des enregistrements aurait mérité davantage de soins, ainsi les fortissimos de l’Allegro molto du premier mouvement de la Symphonie n° 2 pâtissent d’une saturation sonore incompatible avec l’exigence attendue. Les autres symphonies passent beaucoup mieux et le résultat paraît globalement de meilleure qualité, permettant l’intérêt et la bienveillance de l’écoute. Au total, un travail louable et très bien ficelé, convaincant souvent, mais insuffisant pour inverser la discographie à son plus haut échelon.

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