Jan Vogler, Kent Nagano et Paavo Järvi pour la 45e édition du Dresdner Musikfestspiele

ResMusica

Vincent Guillemin

25.05.2022

Photo credits: Oliver Killig

Depuis quinze ans sous la direction de Jan Vogler, le Dresdner Musikfestspiele fête cette année sa 45e édition sous le signe « Magique ».



En 2012, nous nous plaignions de l’acoustique médiocre du Kulturpalast de Dresde, défavorable à une formation saxonne pourtant très intéressante, bien que beaucoup moins célèbre que la Staatskapelle. Depuis trois saisons sous la direction de Marek Janowski, la Dresdner Philharmonie bénéficie maintenant d’une nouvelle salle dans un Kulturpalast totalement rénové, déjà décrite en 2019 et dont nous avons pu à nouveau apprécier l’acoustique le dimanche lors du concert du hr-sinfonieorchester.


Le vendredi, la Dresdner Philharmonie se déplaçait à quelques mètres seulement de son lieu de résidence pour investir la ronde Frauenkirche. D’une heure trente à peine et sans entracte, le concert dirigé par Kent Nagano débute par une courte pièce, tirée d’un ouvrage créé par le chef en 2016 à Hambourg : Stilles Meer de Toshio Hosokawa. Dans le prolongement du style de Takemitsu pour la partition globale, l’œuvre laisse découvrir par l’intermédiaire de son seul Intermezzo un matériau beaucoup plus proche de Xenakis, notamment par le fait que seuls quatre percussionnistes sont utilisés. Intégré en cercle sur la scène face à Nagano, ils développent d’abord finement le son avant de lui donner plus de force sur la fin.


Un court changement de plateau permet ensuite de faire entrer une grande partie de l’orchestre pour interpréter The Unanswered Question de Charles Ives, porté par l’acoustique ample de l’église, ainsi que par la musique concentrée sous le geste sûr du chef. Caché au troisième balcon, le trompettiste solo lance ses phrases évanescentes, amplifiées par la hauteur du placement et la résonance des lieux. La Symphonie n° 6 de Bruckner, en clôture de programme, bénéficie autant de cette atmosphère, qui crée un fondu évident pour certaines parties d’une écriture toujours empreinte de la technique d’orgue.


Dans ce grand ouvrage, Nagano comme à son habitude ne recherche pas la religiosité, et en cela la Sixième est peut-être la symphonie de la maturité du compositeur qui en demande le moins. Alors, le chef s’attèle à toujours développer les phrases avec un équilibre précis et sans jamais trainer, sauf pour profiter de l’écho prolongé lors des fins de phrases. Avec un ensemble mesuré à seulement six contrebasses, quatre cors et les bois par deux, Nagano parvient à toujours dynamiser l’interprétation, exaltée par la raucité des contrebasses et par la parfaite tonalité des cors.

Le dimanche, c’est bien à la Philharmonie qu’à lieu le concert, mais cette fois avec un orchestre invité de Francfort, lui aussi assez peu connu en France par rapport au top cinq des orchestres allemands en tournée chaque saison. En formation moyenne, l’hr-sinfonieorchester permet au directeur du festival, Jan Vogler, d’interpréter le Concerto pour violoncelle de Dvořák qui l’avait fait mieux connaître à l’étranger à la suite de son enregistrement de 2005. Aujourd’hui sur le Stradivarius Castelbarco/Fau de 1707, Jan Vogler tient la partie soliste avec plus de substance et de maturité, notamment dans les grandes phrases romantiques, décuplées par un vibrato toujours parfaitement adapté, tandis que l’accompagnement de Paavo Järvi s’en tient à livrer la partition sans jamais exagérer ses penchants romantiques. D’une grande finesse d’interprétation à l’archet, Jan Vogler, toujours nuancé, développe la partition sans lui ajouter la moindre crème. Le Finale tient sur les mêmes qualités, bien accompagné à l’orchestre tandis qu’il reste porté par le jeu plein du violoncelliste.
En bis, on profite une dernière fois de l’instrument de Crémone avec la Sarabande de la Suite n°1 de Bach, puis Paavo Järvi revient seul devant l’orchestre après l’entracte pour la Symphonie n° 8 de Beethoven jouée à sa manière, d’un geste classique particulièrement adapté à ce numéro d’opus. Aux attaques franches des cordes et aux coups mats du timbalier s’accorde une énergie toujours vive, parfaite pour délivrer chaque instant de la partition, développée grâce à un orchestre de grande qualité. On entend celui-ci une dernière fois en bis dans une autre pièce de Beethoven : l’Ouverture des Créatures de Prométhée.

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