Paavo Järvi et l’Orchestre de Paris : des retrouvailles éclectiques
ResMusica
Patrice Imbaud
13.05.2022
Photo credits: Takashi Mochizu
Pour ces retrouvailles avec l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi a choisi un programme pour le moins éclectique où il est difficile de trouver une quelconque unité thématique entre les accents folkloriques du Concerto pour violon de Dvořák, l’euphorie rieuse de la Symphonie n° 8 de Beethoven et la granitique introspection de la Symphonie n° 7 de Sibelius.
Le Concerto pour violon de Dvořák ouvre la soirée sur une interprétation qui peine à convaincre dès l’Allegro initial : non pas tant du fait de la prestation violonistique de Joshua Bell qui assume assez crânement les traits de virtuosité et les passages mélodiques majestueux portés par un beau legato, que par la lourdeur d’un accompagnement orchestral constamment déséquilibré, couvrant souvent le soliste avec un phrasé par trop rigide aux appuis rythmiques exagérément marqués par des percussions et des fanfares de cuivres tonitruantes. Seul le Moderato au mitan du mouvement retrouve enfin un peu de souplesse, de poésie et de complicité avec le soliste dans un mélodieux dialogue entre violon, cors et petite harmonie (basson). Les deux derniers mouvements renouent le lien entre soliste et orchestre, sur une belle progression très rythmique aux accents slaves (« furiant ») dans une succession de danses folkloriques oscillant entre fougue et nostalgie (doumka). Peu généreux, Joshua Bell n’offre aucun bis au public chaleureux de la Philharmonie !
Changement radical de climat avec la Symphonie n° 7 de Sibelius, symphonie testamentaire, en un seul mouvement, récapitulative des précédentes (surtout des deux dernières) et au terme de laquelle le compositeur s’enfermera dans le silence… Une œuvre introspective que Paavo Järvi a déjà donnée plusieurs fois lors de son ancien mandat de directeur musical de la phalange parisienne. Autant dire que le chef est ici dans son jardin, nous livrant une lecture digne d’éloges : puissante, riche en couleurs, nuances et contrastes, à la fois tendue et lyrique avec beaucoup d’ampleur sonore (trombone, cors et trompettes) et de fluctuations rythmiques nous emportant dans un flot musical continu, irrésistible et envoûtant fait de « métamorphoses symphoniques » thématiques et rythmiques, peuplé d’éclaircies et de zones d’ombre témoignant de sa profonde spiritualité. L’Orchestre de Paris s’y montre souverain de cohésion, de réactivité et de performances solistiques individuelles et collectives.
Dernière œuvre au programme ce soir, la Symphonie n° 8 de Beethoven, respirant le bonheur, composée par un Beethoven amoureux (de la cantatrice Amélie Sebald, l’immortelle bien-aimée ?) Quatre mouvements dans le style classique pour séduire le public parisien et donner à ces retrouvailles un air de fête : Un Allegro initial joyeux, plein de fougue, tantôt dansant, tantôt martial, où la musique délicate et gracieuse circule de façon ludique d’un pupitre à l’autre entre cordes et vents suivant un phrasé tout en relief ; un Allegretto Scherzando sautillant très rythmique dont Paavo Järvi se plait à majorer les effets ironiques (basson) ; un Tempo di Menuetto d’une pétillante rusticité avant un Final très théâtral où visiblement chef et musiciens s’amusent pour conclure dans la joie ces jolies et jubilatoires retrouvailles.
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