L’architecte des contrastes

Alta Musica

Thomas Deschamps

12.05.2022

 

Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Paavo Järvi, avec le concours du violoniste Joshua Bell à la Philharmonie de Paris.




Le passage devant l’Orchestre de Paris de Paavo Järvi suscite toujours un accueil enthousiaste de son ancienne formation qui répond avec un engagement sans fard à une direction qui cultive de franches oppositions pour des résultats très architecturaux dans le concerto de Dvořák avec Joshua Bell, la Septième de Sibelius et la Huitième de Beethoven.


La grande longueur d’archet de Joshua Bell et sa sonorité légèrement automnale se prêtent bien au lyrisme du Concerto pour violon de Dvořák. Chacun des trois mouvements semble chanté par le violoniste américain d’un seul souffle. Se mettant au niveau sonore parfois un peu discret du soliste, Paavo Järvi veille à ne pas le couvrir avec l’orchestre. Il réussit néanmoins à dresser des paysages vigoureux qui sans verser dans une étude folklorique fleurent tout de même bon le terroir. L’ensemble dégage beaucoup de couleurs et de beaux contrastes.


L’intensité fait cependant un bond après l’entracte avec la Symphonie n° 7 de Sibelius que le chef estonien avait déjà abordée lors de son mandat parisien. Quintessence de l’œuvre symphonique du compositeur, elle réalise en son mouvement unique la quadrature du cercle à partir de motifs très brefs, et demande autant de soins apportés aux détails qu’un élan permettant de surmonter les questionnements de ses béances. Järvi sculpte de gestes précis la matière sonore de l’Orchestre de Paris. La densité de son qu’il en obtient concourt à former l’image d’un bloc en modification perpétuelle dont la lumière irise ; du grand art.


C’est aussi une lecture assez verticale qui est offerte dans la Huitième de Beethoven qui clôt le programme. Le chef en cultive les accords d’une manière imposante, presque intimidante. Les cordes comme les vents sonnent d’une cohérence sans faille, d’une virtuosité ébouriffante. Le Menuet garde un sérieux impressionnant avec le solo intense d’Éric Picard au violoncelle. Et le caractère hardi du final s’impose de manière magistrale bien que son alacrité et sa délicatesse puissent être plus développées avec d’autres artistes. La coda sonne divinement. Il fallait bien cela pour tenir la comparaison avec le Sibelius qui précédait ! Le pari d’un programme risqué se trouve pleinement rempli.


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