CONCERT REVIEW: Le chef Paavo Järvi dirige une formule 1

Le chef Paavo Järvi dirige une formule 1
Par Marie-Aude Roux
Le Monde | 30.11.06

Hôte de marque régulier du Théâtre des Champs-Elysées, l'Orchestre philharmonique de Vienne était dirigé ce 29 novembre par Paavo Järvi (né en 1962), qui faisait là ses premières armes avec la prestigieuse phalange autrichienne.

De fait, le chef estonien, qui s'est produit plusieurs fois à la tête de l'Orchestre de Paris, a semblé très tendu, à l'instar d'un pilote de formule 1 qui conduirait pour son premier Grand Prix un prototype à la fois inespéré et dangereux.


Inespéré et dangereux en effet, tant les Wiener Philharmoniker produisent une ivresse du son, un vertige de virtuosité incroyables, au point de donner à entendre de la musique de chambre là même où la masse instrumentale est la plus éclatante, la polyphonie la plus complexe, l'orchestration la plus recherchée.

MAGNIFIQUE DRAMATISATION

Cramponné à sa baguette, Paavo Järvi dirige juste et court, légèrement guindé. L'ouverture de La Flûte enchantée déploie certes une plastique sonore irréprochable, mais aussi le sentiment un peu triste d'un luxe inutile car vidé de vraie substance émotionnelle. Même constat dans la Symphonie n° 104, dite "Londres", de Haydn, que Järvi dirige au cordeau : pas un timbre qui dépasse, un archet qui traîne ou une attaque à côté.

Tout changera progressivement avec la Symphonie en ut majeur, dite "la Grande", de Schubert. Dans le premier mouvement, Järvi ne respire pas encore mais relâche un peu la pression. La musique suit toujours son grand et fastueux bonhomme de chemin, tandis que l'orchestre commence à vivre.

Le fameux "Andante con moto", totalement dépourvu de nostalgie se laissera gagner par une dramatisation magnifiquement élaborée jusqu'à l'hystérie sensorielle. La gestuelle même du chef s'est assouplie, plus sensuelle, qui dessine de la main gauche d'élégantes arabesques.

Mais c'est avec le troisième mouvement, "Scherzo", que l'esprit de la valse viennoise va opérer la métamorphose, premier temps marqué et étiré comme il se doit. De confortable et tranquille, l'écoute devient fauve aux aguets scrutant les bruits de la nuit tandis que se déchaîne la grande démiurgie schubertienne, juste revanche de l'âme sur la disgrâce physique de celui que ses amis viennois surnommaient "Schwammerl", soit "petit champignon".

Ouverture de "La Flûte enchantée", de Mozart, Symphonie n° 104 "Londres", de Haydn, Symphonie en ut majeur, "la Grande" D 944, de Schubert.Orchestre philharmonique de Vienne, Paavo Järvi (direction). Théâtre des Champs-Elysées, le 29 novembre.

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