Frankfurt Radio Symphony Orchestra, dir. Paavo Järvi

Gilles Macassar
Telerama n° 3123 - 21 novembre 2009

Dédiée au « bon Dieu », composée dans la dévotion de la Neuvième Symphonie de Beethoven (même tonalité de mineur, même geste rythmique inaugural, même position du scherzo en deuxième mouvement), l'ultime symphonie d'Anton Bruckner semble figée dans sa sacro-sainte monumentalité de legs testamentaire, de pathétique « adieu à la vie », comme l'écrit le musicien, en marge de l'adagio.

Que cet hymne à la foi soit resté inachevé, malgré les dix années que lui consacra Bruckner, ajoute encore à son statut de relique intouchable. Aîné d'une fratrie de trois jeunes chefs formés à la direction d'orchestre par leur père, le vétéran estonien Neeme Järvi, Paavo, lui, ne s'en laisse pas conter. Et de rappeler que Bruckner, engagé dans une course de vitesse avec la mort pour terminer sa symphonie, revendiquait de « cogner à la porte du ciel » avec son orchestre. Moins pour y être accueilli avant l'heure que pour réclamer un sursis. A la tête de son orchestre de la radio du Hesse, Paavo Järvi assène sans ménagement ces coups protestataires, heurtés au fronton du paradis. La piété de Bru­ckner, si souvent affadie de componction, engourdie de solennité, retrouve en un sursaut de véhémence son urgence vitale. Au moment où Paavo Järvi va prendre les rênes de l'Orchestre de Paris, son interprétation revigorante et musclée d'une page maîtresse du répertoire, dégagée des bondieuseries, est de bon augure. G.M.

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