Je n'ai pas tout de suite accroché à ce nouveau disque de Paavo Järvi à Cincinnati, sans doute l'un des derniers, sinon le dernier, pour Telarc, ce label admirable qui a, hélas, abandonné le métier.
Le premier travail d'adaptation était lié au fait qu'il s'agit du premier CD (et non SACD) Telarc que je reçois depuis 7 ou 8 ans. Il me fallait me réhabituer à la perte de relief... Bon. Cela prend deux plages. Ensuite, j'ai eu l'impression que l'orchestre évoluait à distance. Grave erreur: c'est le niveau de gravure qui est tout simplement "normal" dans un monde où tout le monde "met du niveau" pour vous impressionner. Ici, il suffit de monter le potentiomètre et d'en profiter.
Arrivé à la 4e et la 5e plage, Jupiter et Saturne, l'oreille s'est ajustée et on comprend. On comprend qu'il s'agit de la plus jouissive version des Planètes que l'on puisse imaginer, nourrie d'un travail scrutateur sur l'orchestration, les dosages polyphoniques et les dynamiques. Je n'ai qu'une hâte en écrivant ce compte-rendu: écouter cette radiographie orchestrale au casque.
Les Planètes sont souvent prétexte à bruit. Avec Paavo Järvi elles sont fermeté, implacabilité et transparence. Le dosage des harpes dans Neptune, les patientes montées dynamiques, les couleurs automnales des contrebasses de Saturne (chef-d'œuvre des chefs-d'œuvre de ce CD: écoutez la partie suivant le climax...): toute l'interprétation fourmille de stimuli sonores jubilatoires pour l'esprit et les sens. C'est un immense plaisir d'audition dans lequel jamais la musique n'est prise en otage pour faire un effet.
Pour augmenter le minutage sans avoir l'argent pour enregistrer autre chose, Telarc a repris les Variations Purcell de Britten qui figuraient en complément des Variations Enigma, un autre 10/10. Dommage pour ceux qui l'ont déjà. Aubaine pour les autres…
Voilà le baroud d'honneur d'un label attachant, singulier et coloré, qui nous manquera. Et quel baroud d'honneur!
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