Paavo Järvi: "Nous faisons de la musique de chambre en grand nombre"
LeFigaro.fr
Par Christian Merlin
14/03/2011
En présentant le programme 2011-2012 de l'Orchestre de Paris, le chef estonien de 49 ans a annoncé qu'il venait de prolonger son contrat jusqu'en 2016. Entretien.
L E FIGARO. - Est-ce habituel de prolonger son contrat alors que l'on n'est en poste que depuis six mois?
Paavo JÄRVI. - D'habitude, c'est au bout de deux ans que l'orchestre vous propose (ou non !) de signer à nouveau. Mais là, il y a tellement de signes de bon partenariat entre l'orchestre et moi que je n'ai pas hésité. Partenariat est d'ailleurs le mot-clé de notre collaboration. C'est un orchestre fantastique, et pas seulement les solistes des vents, qui sont de véritables stars: c'est l'ensemble qui forme un authentique groupe. Ils ont toujours envie ! De plus, le fait de savoir que nous avons six ans devant nous donne beaucoup plus de marge pour construire quelque chose sur la durée. C'est important de savoir qu'on a le temps pour progresser ensemble.
Que retenez-vous des premiers mois de votre collaboration?
C'est un orchestre qui prend des risques incroyables. Je leur demande parfois d'essayer des choses inhabituelles pour eux, comme par exemple, la semaine dernière, dans la Quatrième de Beethoven. C'était la première fois que nous faisions ensemble une symphonie de Beethoven, et ils ne sont pas encore habitués à mon approche claire et dégraissée de cette musique liée pour eux au grand style germanique. Or, je n'ai senti aucune résistance, même chez les vétérans de l'orchestre. Ils jouent avec un engagement maximal. D'autre part, nous apprenons à nous connaître, à connaître les forces et les faiblesses de chacun.
Quelles sont vos faiblesses?
Oh, j'en ai beaucoup ! La liste serait trop longue.
Considérez-vous l'orchestre comme un collectif ou des individualités?
Je m'adresse toujours à des personnes. D'ailleurs, je ne sais pas parler à un groupe, à une entité abstraite. Il est ¬essentiel que chacun se sente important, et concerné.
Quel est pour vous le rôle du premier violon?
Central. Il est bien plus qu'un violoniste, c'est une autorité musicale. Si vous avez un bon contact avec lui, 50 % des problèmes sont résolus. Les deux premiers violons de l'Orchestre de Paris sont très différents l'un de l'autre mais magnifiques tous les deux.
Peut-on parler d'une relation de confiance entre le chef et l'orchestre?
C'est même l'essentiel. Une confiance mutuelle. Quand vous êtes un jeune chef, vous croyez que l'orchestre ne peut pas jouer sans vous, vous voulez tout contrôler. Alors que le plus important pour un chef est de savoir quand il n'a pas besoin de diriger, quand il peut laisser jouer l'orchestre. Mais quand l'orchestre a besoin de lui, là il doit répondre présent, sinon les musiciens ne lui font plus confiance. Mon père (le chef Neeme Järvi, NDLR) est excellent dans cet exercice: parfois, il abaisse sa baguette et semble cesser complètement de diriger, et puis d'un coup d'œil ou d'un mouvement d'épaule, il reprend le contrôle et vient en aide à la flûte ou au cor. Les musiciens de l'Orchestre de Paris sont excellents, ils n'ont pas besoin qu'on leur batte la mesure en permanence: ce serait les infantiliser. Dans le mouvement lent de Beethoven, l'autre jour, je n'ai pas marqué la pulsation, afin qu'ils fassent chanter plus librement leurs instruments. Or, plus les musiciens jouent librement, plus le son est riche. En réalité, nous faisons de la musique de chambre en grand nombre. Si le chef est juste là pour régler la circulation, ce n'est pas intéressant.
D'où vient cette sensation d'énergie qui se dégage de vos concerts?
Vous savez, la musique a beau être un phénomène spirituel, intellectuel, émotionnel ou tout ce que vous voulez, elle reste pour moi avant tout quelque chose de physique. Et puis, il ne s'agit pas d'être parfait: un concert où tout est en place mais où il ne se passe rien m'ennuie profondément. Et comme dit mon collègue Yuri Temirkanov: «Il n'y a pas d'excuse pour un concert ¬ennuyeux.»
Par Christian Merlin
14/03/2011
En présentant le programme 2011-2012 de l'Orchestre de Paris, le chef estonien de 49 ans a annoncé qu'il venait de prolonger son contrat jusqu'en 2016. Entretien.
L E FIGARO. - Est-ce habituel de prolonger son contrat alors que l'on n'est en poste que depuis six mois?
Paavo JÄRVI. - D'habitude, c'est au bout de deux ans que l'orchestre vous propose (ou non !) de signer à nouveau. Mais là, il y a tellement de signes de bon partenariat entre l'orchestre et moi que je n'ai pas hésité. Partenariat est d'ailleurs le mot-clé de notre collaboration. C'est un orchestre fantastique, et pas seulement les solistes des vents, qui sont de véritables stars: c'est l'ensemble qui forme un authentique groupe. Ils ont toujours envie ! De plus, le fait de savoir que nous avons six ans devant nous donne beaucoup plus de marge pour construire quelque chose sur la durée. C'est important de savoir qu'on a le temps pour progresser ensemble.
Que retenez-vous des premiers mois de votre collaboration?
C'est un orchestre qui prend des risques incroyables. Je leur demande parfois d'essayer des choses inhabituelles pour eux, comme par exemple, la semaine dernière, dans la Quatrième de Beethoven. C'était la première fois que nous faisions ensemble une symphonie de Beethoven, et ils ne sont pas encore habitués à mon approche claire et dégraissée de cette musique liée pour eux au grand style germanique. Or, je n'ai senti aucune résistance, même chez les vétérans de l'orchestre. Ils jouent avec un engagement maximal. D'autre part, nous apprenons à nous connaître, à connaître les forces et les faiblesses de chacun.
Quelles sont vos faiblesses?
Oh, j'en ai beaucoup ! La liste serait trop longue.
Considérez-vous l'orchestre comme un collectif ou des individualités?
Je m'adresse toujours à des personnes. D'ailleurs, je ne sais pas parler à un groupe, à une entité abstraite. Il est ¬essentiel que chacun se sente important, et concerné.
Quel est pour vous le rôle du premier violon?
Central. Il est bien plus qu'un violoniste, c'est une autorité musicale. Si vous avez un bon contact avec lui, 50 % des problèmes sont résolus. Les deux premiers violons de l'Orchestre de Paris sont très différents l'un de l'autre mais magnifiques tous les deux.
Peut-on parler d'une relation de confiance entre le chef et l'orchestre?
C'est même l'essentiel. Une confiance mutuelle. Quand vous êtes un jeune chef, vous croyez que l'orchestre ne peut pas jouer sans vous, vous voulez tout contrôler. Alors que le plus important pour un chef est de savoir quand il n'a pas besoin de diriger, quand il peut laisser jouer l'orchestre. Mais quand l'orchestre a besoin de lui, là il doit répondre présent, sinon les musiciens ne lui font plus confiance. Mon père (le chef Neeme Järvi, NDLR) est excellent dans cet exercice: parfois, il abaisse sa baguette et semble cesser complètement de diriger, et puis d'un coup d'œil ou d'un mouvement d'épaule, il reprend le contrôle et vient en aide à la flûte ou au cor. Les musiciens de l'Orchestre de Paris sont excellents, ils n'ont pas besoin qu'on leur batte la mesure en permanence: ce serait les infantiliser. Dans le mouvement lent de Beethoven, l'autre jour, je n'ai pas marqué la pulsation, afin qu'ils fassent chanter plus librement leurs instruments. Or, plus les musiciens jouent librement, plus le son est riche. En réalité, nous faisons de la musique de chambre en grand nombre. Si le chef est juste là pour régler la circulation, ce n'est pas intéressant.
D'où vient cette sensation d'énergie qui se dégage de vos concerts?
Vous savez, la musique a beau être un phénomène spirituel, intellectuel, émotionnel ou tout ce que vous voulez, elle reste pour moi avant tout quelque chose de physique. Et puis, il ne s'agit pas d'être parfait: un concert où tout est en place mais où il ne se passe rien m'ennuie profondément. Et comme dit mon collègue Yuri Temirkanov: «Il n'y a pas d'excuse pour un concert ¬ennuyeux.»
Comments
Dear Paavo what is your project for this non professionnal choir ?
Best regards