[Live Report] Strauss à l’honneur chez l’orchestre de Paris
toutelaculture.com
Marie Charlotte Mallard
25/10/2014
http://toutelaculture.com/musique/classique-musique/live-report-strauss-a-lhonneur-chez-lorchestre-de-paris/
Marie Charlotte Mallard
25/10/2014
Ce jeudi, l’orchestre de paris
donnait un programme entièrement consacré à Richard Strauss avec le
mythique et Nietzschéen Ainsi parlait Zarathoustra, puis la Burlesque
pour piano et orchestre en ré mineur s’associant pour l’occasion une
nouvelle fois à Nicholas Angelich pour terminer par La Suite pour
orchestre du Chevalier à la Rose. Un programme ambitieux et très
attendu.
Ainsi Parlait Zarathoustra,
avant d’être poème symphonique dessiné par Strauss est poème
philosophique en prose où Nietzsche expose l’avènement du Surhomme,
détaché de la subordination morale et religieux. Ces premières notes
sont emblématiques depuis sa popularisation par Elvis Presley en
ouverture de ces concerts de 1971 et 1977, puis par le générique du
journal de la Cinq de 1987 à 1991, mais surtout par leur utilisation
dans L’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Des premières
notes qui symbolisent l’adresse au soleil levant de Zarathoustra mais
surtout, l’élévation du néant vers la lumière, que suggèrent la note
grave et tenue initiale du contrebasson puis la monté harmonique des
trompettes pour arriver à l’unisson de l’orchestre. Des premières notes
risquées pour les musiciens, d’autant plus que leur ressassement et
emprunt constant, a créé une véritable attente chez le spectateur qui
dans son imaginaire auditif les distingue avec la perfection utopique et
fantasmagorique que crée l’esprit.
Paavo Jarvi
lève doucement sa baguette et d’un geste souple, ample et tempéré,
donne tour à tour le départ de chaque instrument. Certains préfèrent dès
le début conférer à ces premières notes de trompette de la puissance,
Paavo Jarvi préfère tout comme pour le tempo, modérer l’ardeur avec un mezzo piano, et prendre le temps de poser chaque sons pour ensuite mieux faire éclater l’unisson, dont il exagère également le crescendo/decrescendo
pour mieux garantir le suspens. Chaque reprise du motif verra son
amplitude sonore augmenter pour aller vers une explosion lumineuse dont
il a le secret. Moelleux et solennité du discours se feront entendre
dans les parties suivantes, des caractères notamment portés par les
cordes dans les parties 1 et 2. L’exécution est riche en couleurs, les
cuivres sont musclés et terrifiants dans Des joies et des passions, les bois sensibles dans la 4e
partie où le premier violon resplendit, mais la narration peine
néanmoins à nous happer pleinement. On écoute avec attention et plaisir
mais on ne parvient pas à l’emportement total, jusqu’en oublier la salle
et le temps. Seule, Le chant de la Danse septième partie du
poème parvint à aller au bout de ce processus, et c’est donc sur la fin
de l’exécution que l’on accroche pleinement. Onirique elle va même
jusqu’à revêtir un caractère fantastique. La force de l’avant dernière
partie alliée à Un chant du somnambule extrêmement sensible et
émotif convainquirent le public. D’aucuns dirons nous l’attendions trop
ce Zarathoustra et d’autres que l’exécution revêtait quelque chose de
trop intellectuel, et manquait d’homogénéité.
Après l’entracte, nous retrouvons Nicholas Angelich pour une Burlesque pour piano et orchestre en ré mineur.
Sans surprise et comme à chaque fois, le charme opère, et le jeu du
pianiste nous subjugue littéralement. Virtuosité, sensibilité, grandeur,
et fluidité, Angelich déploie un jeu toujours aussi riche, donnant un
supplément d’âme à tout ce qu’il interprète. Ainsi, il s’approprie ici
pleinement la pièce mettant en valeur par son touché assuré et délicat
les caractères et influences. Sa narration est d’une clarté saisissante,
et l’on distingue sans aucun mal les traces de Brahms où Liszt
disséminées dans l’œuvre par le compositeur. Aussi, l’on rentre
pleinement dans l’œuvre, l’on est porté par le discours et l’on oublie
cette fois ci entièrement la salle, le temps, suspendus aux doigts du
musicien. Le pianiste est aussi bluffant dans les passages les plus doux
que dans les plus virtuoses. Un moment excellent, une exécution sans
faute largement ovationnée par le public.
Après un bis copieusement demandé la scène se mue pour laisser entendre la Suite pour orchestre du Chevalier à la Rose.
Malgré un programme ardu, l’Orchestre de Paris ne manque pas en cette
dernière partie de concert d’énergie comme en témoignait l’entrée de
cors vigoureux, déterminés claironnant hardiment. La partition expose
particulièrement chaque pupitre, ainsi les cordes sont romanesques et
les bois brillants et doucereux se relaient avec précautions et grande
attention. La profondeur de l’orchestre intensifie le discours narratif
de la pièce, et contrairement à Zarathoustra, on plonge pleinement dans
l’œuvre et ce dès le début. Ce que l’on retiendra tout particulièrement
de cette Suite d’orchestre c’est l’incroyable et enivrante
valse viennoise, menée par la main de maître de Paavo Jarvi. Le chef
joue en effet sur l’exagération des tempi, élargit au maximum les ritardendo
pour mieux faire ressortir le tourbillon de la danse en accélérant par
la suite, afin de faire naître l’ivresse grisante de celle-ci chez le
spectateur. Paavo Jarvi affiche une battue ample à tel point qu’il est
parfois à deux doigts d’effectuer un demi-tour sur l’estrade. Porté
lui-même par la rythmique, il nous semble véritablement danser et
s’amuser sur cette valse étourdissante, insolente et impertinente. Un
moment splendide où l’on verra sur les visages du public s’afficher de
larges sourires. Les applaudissements enjoués et bravos fuseront de
toute part, à tel point que l’orchestre n’hésitera pas à donner un bis.
Une soirée Straussienne excellente et vivifiante !
Visuels: une: © DR / Nicholas Angelich © Marc Ribes pour Virgin Classics / Paavo Jarvi © DR
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