Orgue et alto : inauguration et création à la Philharmonie
concertonet.com
Didier Van Moere
28/10/2015
Paris
Philharmonie 1
10/28/2015 -
Thierry Escaich : Improvisation
Jörg Widmann : Concerto pour alto (création)
Camille Saint-Saëns : Symphonie n° 3, opus 78
Antoine Tamestit (alto), Thierry Escaich (orgue)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)
T. Escaich (© Guy Vivien)
C’est fait, enfin : l’orgue Rieger de la Philharmonie a été inauguré. 91 jeux et 6 055 tuyaux... dont on a entendu les deux tiers : il faut encore attendre février pour la totalité. Cela dit, on a déjà pu juger de la sonorité, large et pleine, qui ne sature jamais dans la grande salle – du moins lorsqu’on se trouve à l’orchestre. Les tuyaux visibles sont décoration, les vrais se trouvant cachés derrière des volets ajustables qu’ouvre l’organiste. Pour nous faire découvrir l’instrument, Thierry Escaich s’est livré sur la console mobile à une de ces improvisations dont il a le secret, perpétuant une grande tradition française à travers une conception très orchestrale de l’instrument. Il a pu ensuite rendre justice, plus qu’à Bucarest ou à Pleyel il y a deux ans, à la partie d’orgue de la Troisième Symphonie de Saint-Saëns. Paavo Järvi évite toujours d’épaissir la sonorité, d’exhiber les cuivres et de sacrifier, surtout dans le Scherzo et le Finale, au pompiérisme. C’est tout la clarté classique de Saint-Saëns qu’il souligne, à travers la transparence de la polyphonie et l’étendue de l’éventail dynamique, à l’opposé des interprétations tirant la partition vers le postromantisme germanique. Mais si la direction garde néanmoins une certaine ampleur, par le geste et le tempo, elle manque un peu, peut-être à cause de ce refus obstiné de l’emphase, de rondeur et de chaleur.
Entre les deux œuvres, une création mondiale, commande des Orchestres de Paris, de la Radio suédoise et de la Radio bavaroise : le Concerto pour alto de Jörg Widmann, un des plus brillants représentants de sa génération, non moins brillant clarinettiste, dont les œuvres ont intéressé aussi bien Pierre Boulez que le Quatuor Artemis – la création par Kent Nagano de son opéra Babylon, en 2012 à Munich, fit événement. Le Concerto est un parcours, interrompu ici quelques minutes par une corde cassée, une histoire dont l’altiste est le protagoniste : au début à côté des harpes, il passe à travers l’orchestre – un orchestre réduit, riche en percussions – pour retrouver, après plusieurs stations, la place traditionnelle du soliste. Le compositeur se situe bien dans la tradition du dialogue concertant, à travers des échanges, parfois des affrontements, avec les divers pupitres. Toutes les ressources de l’instrument sont exploitées – frappé au début comme une percussion, il est ensuite joué en pizzicato, rude épreuve pour un soliste dont la virtuosité, mais aussi la capacité à chanter, sont sollicitées. Le lyrisme, en effet, se déploie aussi dans cette œuvre d’une vingtaine de minutes, à la fois brillante et intimiste, rigoureusement construite, moderne dans son écriture. La partition pourrait également évoquer, par la référence à « quelque Orient imaginaire et fabuleux », par le rapprochement avec la sonorité du sitar indien, ces mondes lointains chers à Baudelaire... Superbement soutenu par l’orchestre, Antoine Tamestit en est l’idéal interprète, parce qu’il va au-delà de la lecture – d’une extrême difficulté – et que, depuis longtemps complice du compositeur pour la musique de chambre, il a participé à l’élaboration de ce Concerto pour alto.
http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=11037
Didier Van Moere
28/10/2015
Paris
Philharmonie 1
10/28/2015 -
Thierry Escaich : Improvisation
Jörg Widmann : Concerto pour alto (création)
Camille Saint-Saëns : Symphonie n° 3, opus 78
Antoine Tamestit (alto), Thierry Escaich (orgue)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)
T. Escaich (© Guy Vivien)
C’est fait, enfin : l’orgue Rieger de la Philharmonie a été inauguré. 91 jeux et 6 055 tuyaux... dont on a entendu les deux tiers : il faut encore attendre février pour la totalité. Cela dit, on a déjà pu juger de la sonorité, large et pleine, qui ne sature jamais dans la grande salle – du moins lorsqu’on se trouve à l’orchestre. Les tuyaux visibles sont décoration, les vrais se trouvant cachés derrière des volets ajustables qu’ouvre l’organiste. Pour nous faire découvrir l’instrument, Thierry Escaich s’est livré sur la console mobile à une de ces improvisations dont il a le secret, perpétuant une grande tradition française à travers une conception très orchestrale de l’instrument. Il a pu ensuite rendre justice, plus qu’à Bucarest ou à Pleyel il y a deux ans, à la partie d’orgue de la Troisième Symphonie de Saint-Saëns. Paavo Järvi évite toujours d’épaissir la sonorité, d’exhiber les cuivres et de sacrifier, surtout dans le Scherzo et le Finale, au pompiérisme. C’est tout la clarté classique de Saint-Saëns qu’il souligne, à travers la transparence de la polyphonie et l’étendue de l’éventail dynamique, à l’opposé des interprétations tirant la partition vers le postromantisme germanique. Mais si la direction garde néanmoins une certaine ampleur, par le geste et le tempo, elle manque un peu, peut-être à cause de ce refus obstiné de l’emphase, de rondeur et de chaleur.
Entre les deux œuvres, une création mondiale, commande des Orchestres de Paris, de la Radio suédoise et de la Radio bavaroise : le Concerto pour alto de Jörg Widmann, un des plus brillants représentants de sa génération, non moins brillant clarinettiste, dont les œuvres ont intéressé aussi bien Pierre Boulez que le Quatuor Artemis – la création par Kent Nagano de son opéra Babylon, en 2012 à Munich, fit événement. Le Concerto est un parcours, interrompu ici quelques minutes par une corde cassée, une histoire dont l’altiste est le protagoniste : au début à côté des harpes, il passe à travers l’orchestre – un orchestre réduit, riche en percussions – pour retrouver, après plusieurs stations, la place traditionnelle du soliste. Le compositeur se situe bien dans la tradition du dialogue concertant, à travers des échanges, parfois des affrontements, avec les divers pupitres. Toutes les ressources de l’instrument sont exploitées – frappé au début comme une percussion, il est ensuite joué en pizzicato, rude épreuve pour un soliste dont la virtuosité, mais aussi la capacité à chanter, sont sollicitées. Le lyrisme, en effet, se déploie aussi dans cette œuvre d’une vingtaine de minutes, à la fois brillante et intimiste, rigoureusement construite, moderne dans son écriture. La partition pourrait également évoquer, par la référence à « quelque Orient imaginaire et fabuleux », par le rapprochement avec la sonorité du sitar indien, ces mondes lointains chers à Baudelaire... Superbement soutenu par l’orchestre, Antoine Tamestit en est l’idéal interprète, parce qu’il va au-delà de la lecture – d’une extrême difficulté – et que, depuis longtemps complice du compositeur pour la musique de chambre, il a participé à l’élaboration de ce Concerto pour alto.
http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=11037
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