Grande soirée avec Paavo Järvi et Beatrice Rana devant l’Orchestre de Paris
ResMusica
29.01.2021
Vincent Guillemin
Quelques jours après un concert avec Klaus Mäkelä, un Orchestre de Paris des grands soirs retrouve son ancien directeur, Paavo Järvi, pour la Symphonie Fantastique de Berlioz et le Concerto pour piano n° 1 de Tchaïkovski, ce dernier sublimé par le génial doigté de Beatrice Rana.
Dans une Philharmonie de Paris aux balcons vides, tout juste rougis par quelques lumières tamisées, Paavo Järvi retrouve son ancienne formation dans un programme quasi similaire à celui du deuxième soir d’ouverture de la salle de La Villette, le 17 janvier 2015.
Et si l’on connaît l’adage disant que les grandes salles forment les grands orchestres, il est certain que la Philharmonie a su magnifier le son d’un Orchestre de Paris dont on peinait à discerner la qualité des timbres et des pupitres dans l’ancienne Salle Pleyel. A présent, ni le Concerto pour piano n° 1 de Tchaïkovski, ni la Symphonie Fantastique ne ressemblent plus à celle et celui donnés six ans plus tôt par les mêmes artistes – à l’exception de la pianiste. Pourtant déjà, l’ensemble avait fait forte impression, mais aujourd’hui, tant la superbe de la petite harmonie que les couleurs des cordes et des cuivres démontrent que les sons se sont affinés. La Fantastique retrouve sous la baguette du chef un côté très architecturé, à défaut d’être tout à fait assez architectural, notamment dans une Rêveries déjà entendue plus passionnée. Pour autant, jamais la transparence et le détail des cordes ne dénaturent ni n’accentuent la partition berliozienne, sans jamais non plus en exagérer l’angulosité, comme s’y était essayé Daniel Harding avec la même formation dans d’autres partitions du compositeur.
Alors on pourra trouver Le Bal trop sage, La Scène aux Champs trop peu onirique ou le Songe d’une nuit de Sabbat pas assez orgiaque, mais on s’arrêtera surtout sur la vaillance du tutti, la délicatesse du premier violon de Roland Daugareil ou encore la splendeur du cor anglais. Très loin de musiciens mal préparés et peu inspirés dans cette partition début 2020 pour les 80 ansd’un autre de leur ancien directeur musical, Christoph Eschenbach, l’Orchestre de Paris expose cette fois ses particularités avec une rare souplesse. Järvi s’attelle de son côté à raconter l’histoire de l’artiste mis en musique par Berlioz, d’une lecture contrôlée mais toujours redynamisée, jusque dans la puissante fanfare finale, en plus d’identifier intelligemment de nombreuses phrases ou parties, souvent secondaires dans l’orchestration si complexe du génie français.
L’ouvrage précédent aurait pu n’être que simples prémices, pourtant il préparait déjà à une grande soirée, malheureusement dans une salle dont on entend même à l’enregistrement un peu trop la réverbération, non limitée par la densité habituelle créée par l’audience. C’est dans ce contexte qu’apparaît Beatrice Rana, encore jeune mais déjà si fascinante par son phrasé, d’une subtilité de doigté seulement surpassé par l’intelligence de sa pensée. Alors pour ce Concerto pour piano si ordinairement joué de Tchaïkovski, le Premier évidemment, on aurait pu seulement se délecter là aussi de l’orchestre et ses individualités, déjà la flûte solo, déjà les cors, déjà les amples phrases de violons, tous portés par un Paavo Järvi plus romantique qu’à l’habitude. Mais si l’on reste fasciné, c’est avant tout par les interventions de la pianiste, le visage fermé, très concentrée, parfois presque troublée dans l’attitude, et pourtant assurée dès qu’elle effleure le clavier.
Difficile de décrire avec des mots les particularités d’un jeu si fin et agile, certes jamais orienté vers les sonorités slaves, mais pourtant densifié par le foisonnement d’idées, sans que celles-ci ne viennent dénaturer la ligne globale, ni ajouter d’effet à une partition que l’on sait bien trop souvent exagérée. Chaque note, chaque mesure touche juste, tant avec l’orchestre au complet que lors de cadences parfaitement gérées. Devant une telle prestation, il ne reste qu’à espérer de pouvoir très rapidement réentendre tous ces artistes en vrai, car ils méritaient d’être acclamés par une salle au grand complet.
29.01.2021
Vincent Guillemin
Quelques jours après un concert avec Klaus Mäkelä, un Orchestre de Paris des grands soirs retrouve son ancien directeur, Paavo Järvi, pour la Symphonie Fantastique de Berlioz et le Concerto pour piano n° 1 de Tchaïkovski, ce dernier sublimé par le génial doigté de Beatrice Rana.
Dans une Philharmonie de Paris aux balcons vides, tout juste rougis par quelques lumières tamisées, Paavo Järvi retrouve son ancienne formation dans un programme quasi similaire à celui du deuxième soir d’ouverture de la salle de La Villette, le 17 janvier 2015.
Et si l’on connaît l’adage disant que les grandes salles forment les grands orchestres, il est certain que la Philharmonie a su magnifier le son d’un Orchestre de Paris dont on peinait à discerner la qualité des timbres et des pupitres dans l’ancienne Salle Pleyel. A présent, ni le Concerto pour piano n° 1 de Tchaïkovski, ni la Symphonie Fantastique ne ressemblent plus à celle et celui donnés six ans plus tôt par les mêmes artistes – à l’exception de la pianiste. Pourtant déjà, l’ensemble avait fait forte impression, mais aujourd’hui, tant la superbe de la petite harmonie que les couleurs des cordes et des cuivres démontrent que les sons se sont affinés. La Fantastique retrouve sous la baguette du chef un côté très architecturé, à défaut d’être tout à fait assez architectural, notamment dans une Rêveries déjà entendue plus passionnée. Pour autant, jamais la transparence et le détail des cordes ne dénaturent ni n’accentuent la partition berliozienne, sans jamais non plus en exagérer l’angulosité, comme s’y était essayé Daniel Harding avec la même formation dans d’autres partitions du compositeur.
Alors on pourra trouver Le Bal trop sage, La Scène aux Champs trop peu onirique ou le Songe d’une nuit de Sabbat pas assez orgiaque, mais on s’arrêtera surtout sur la vaillance du tutti, la délicatesse du premier violon de Roland Daugareil ou encore la splendeur du cor anglais. Très loin de musiciens mal préparés et peu inspirés dans cette partition début 2020 pour les 80 ansd’un autre de leur ancien directeur musical, Christoph Eschenbach, l’Orchestre de Paris expose cette fois ses particularités avec une rare souplesse. Järvi s’attelle de son côté à raconter l’histoire de l’artiste mis en musique par Berlioz, d’une lecture contrôlée mais toujours redynamisée, jusque dans la puissante fanfare finale, en plus d’identifier intelligemment de nombreuses phrases ou parties, souvent secondaires dans l’orchestration si complexe du génie français.
L’ouvrage précédent aurait pu n’être que simples prémices, pourtant il préparait déjà à une grande soirée, malheureusement dans une salle dont on entend même à l’enregistrement un peu trop la réverbération, non limitée par la densité habituelle créée par l’audience. C’est dans ce contexte qu’apparaît Beatrice Rana, encore jeune mais déjà si fascinante par son phrasé, d’une subtilité de doigté seulement surpassé par l’intelligence de sa pensée. Alors pour ce Concerto pour piano si ordinairement joué de Tchaïkovski, le Premier évidemment, on aurait pu seulement se délecter là aussi de l’orchestre et ses individualités, déjà la flûte solo, déjà les cors, déjà les amples phrases de violons, tous portés par un Paavo Järvi plus romantique qu’à l’habitude. Mais si l’on reste fasciné, c’est avant tout par les interventions de la pianiste, le visage fermé, très concentrée, parfois presque troublée dans l’attitude, et pourtant assurée dès qu’elle effleure le clavier.
Difficile de décrire avec des mots les particularités d’un jeu si fin et agile, certes jamais orienté vers les sonorités slaves, mais pourtant densifié par le foisonnement d’idées, sans que celles-ci ne viennent dénaturer la ligne globale, ni ajouter d’effet à une partition que l’on sait bien trop souvent exagérée. Chaque note, chaque mesure touche juste, tant avec l’orchestre au complet que lors de cadences parfaitement gérées. Devant une telle prestation, il ne reste qu’à espérer de pouvoir très rapidement réentendre tous ces artistes en vrai, car ils méritaient d’être acclamés par une salle au grand complet.
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