[Live Report] Sublime et grisant orchestre de Paris
toutelaculture.com
19/10/2013
19/10/2013
Encore une fois, l’Orchestre de Paris
sous la direction de Paavo Järvi nous régalait ce jeudi d’une
somptueuse prestation, donnant la Suite Karelia, op 11 de Sibelius
décidément très en vogue, puis de nouveau le Concerto n°2 de Listz sous
les doigts du pianiste Jean-Frédéric Neuburger, pour finir avec la
Symphonie n°3 en ut mineur, dite « avec orgue », op 78 de Schumman,
éblouissante, transcendante, exceptionnelle de force et d’exactitude.
Décidément,
l’Orchestre de Paris et Paavo Järvi n’en finissent plus de nous épater
tant dans les interprétations qu’ils proposent que dans ses exécutions
d’une précision qui nous semble désormais inébranlable. Avec une palette
de couleurs et de sonorités toujours plus recherchée, affinée et
élaborée l’orchestre va toujours plus loin vers l’exception et n’en
finit plus de nous gratifier de prestations extraordinaires dont on
ressort toujours admiratifs et gorgés d’une béatitude sans nom. Du soin
et de la minutie, une exceptionnelle cohésion, une écoute fine,
attentionnée et mesurée associée à une direction claire et réfléchie
leur permet ainsi de sublimer et d’éclairer chaque œuvre interprétée.
Dès les premières notes de la Suite Karelia de Sibelius, qui ce
soir faisait son entrée dans le répertoire de l’orchestre, le constat
est sans appel. L’orchestre rayonnant, invoqua tout l’imaginaire finnois
qui inspira le compositeur. La Suite Karelia, aussi martiale dans l’intermezzo, charmante dans la ballade, que gaiement triomphante dans le modérato final, fut ainsi mise en bouche fameuse et savoureuse.
Venait ensuite, le Concerto pour piano n°2 de Liszt,
œuvre que nous avions déjà entendue en juin dernier par le même
orchestre accompagnant Kathia Buniatishvili et interprété ce soir par le
jeune Jean-Frédéric Neuburger. Le concerto est virtuose et si la
prestation de Khatia nous avait subjuguée celle de Jean-Frédéric
Neuburger fut à tel point au-dessus, qu’il nous ferait même revenir sur
notre critique de l’époque. En effet, alors que Khatia se met en scène,
théâtralise parfois avec exagération ses interprétations, Jean-Frédéric
est tout en simplicité, humilité permettant ainsi le plein
épanouissement du discours musical qui de ce fait ressort clairement et
distinctement. Ainsi l’œuvre ne nous apparaît plus uniquement comme
quelque chose de virtuose, et l’on prend d’autant plus conscience du
caractère versatile magnifié tant par la sincère émotivité du pianiste
que par la finesse des nuances de l’orchestre. Ainsi, redécouvre-t-on
toute l’expression de ce concerto, tanguant entre songe sombre et
intime, galop frénétique, obscur et impérieux, marche martiale et
funeste, caractères exposés au début de l’œuvre par l’adagio sostenuto et l’allegro assai,
repris, transformés et transcendés par la suite dans tout le reste de
l’œuvre. Tous les caractères, nous parurent ce soir sublimés, ennoblis,
illuminés. Un accomplissement dû à la prestation du soliste autant qu’à
l’osmose entre celui-ci et l’orchestre tout entier. En effet, le
pianiste s’intégrait clairement dans l’orchestre, comme en témoignait
ses regards vers le chef où vers les musiciens concernés lorsqu’il leur
passait le relais de la mélodie. Une annotation du compositeur sur le
manuscrit de la partition précise « Concerto symphonique », une
dimension qui prenait véritablement tout ce sens Jeudi soir. Une
prestation époustouflante que provoquèrent tant la dextérité que la
justesse musicale de Jean-Fredéric Neuburger. Fougueusement applaudi, il
s’amusera de l’orgue pour dispenser son bis.
Après l’entracte, place à la 3e Symphonie en ut mineur
de Camille Saint-Saëns. L’œuvre en deux parties, est perçue comme une
synthèse des éléments constitutifs de l’esthétique du compositeur,
romantique, onirique, et proprement impressionniste. Saint-Saens y
cherche l’élévation, l’idéal. Ainsi si elle revêt des instants de
tensions et de drames, elle demeure incroyablement solaire et lumineuse.
L’orgue, (ce soir interprété par Thierry Escaich) instrument puissant
et imposant par excellence, à première vue austère et religieux, se fond
littéralement dans l’orchestre. C’est là toute la difficulté ! Même
dans les passages les plus forts, dramatiques et hargneux les deux
monstres que sont l’orchestre et l’orgue, ne doivent jamais s’opposer
mais bien fusionner. Continuant sur sa lancée après une splendide
première partie de concert l’orchestre fut ici resplendissant. Que dire
si ce n’est que l’on apprécia l’ampleur, la verve, la profondeur.
L’orchestre nous offre ici une véritable interprétation, du fond, de la
recherche esthétique et interprétative plus qu’une simple lecture. La
baguette vive et précise de Järvi autant que la précision et de
l’orchestre, associée à l’ampleur qu’il arrive à obtenir dans les
passages les plus diaboliques permirent de faire ressortir
impeccablement couleurs et contrastes, symboles de la lutte constante et
inhérente à la symphonie, donnant ainsi une prestation mémorable.
Inutile de préciser que la soirée fut
ponctuée d’applaudissements plus qu’enthousiastes. Avec beaucoup
d’humour et d’ironie, l’orchestre fera sourire le public en donnant en
bis, la Marche hongroise de la Damnation de Faust de Berlioz que dirigeait Louis de Funès dans la grande vadrouille.
Visuel: © Mark Lyons www.paavojarvi.com
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