CD REVIEW: Brahms Piano Concerto

Brahms par Angelich, le concerto en ré mineur

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April 2, 2008
par Benoît Donnet

Depuis le choc Chailly/Freire, peu de versions du concerto n°1 de Brahms ont suscité l’intérêt. Il faut cependant se pencher d’un peu plus près sur cette gravure, dont l’affiche est partagée par le pianiste Nikolas Angelich et par le chef d’orchestre Paavo Järvi : elle en vaut le coup.

Chef aujourd’hui extrêmement estimé, notamment pour ses symphonies de Beethoven qui sont en passe de révolutionner l’interprétation de ces oeuvres, Paavo Järvi enregistre ici avec l’Orchestre de la Radio de Francfort, l’une des nombreuses formations dont il a la charge, pour accompagner Angelich dans ce concerto long et passionné où l’orchestre doit parfois se déchaîner (dans le premier mouvement), parfois se recueillir (dans le deuxième) ou méditer dans le calme (c’est le cas au sein du finale). Difficile tâche donc, et la partie de piano n’est pas moins ardue, qui alterne entre épisodes passionnées et sections lyriques, dans lesquelles la tentation de la guimauve n’est jamais très loin pour l’interprète.

Angelich et Järvi réussissent largement leur pari et livrent ici l’une des meilleures versions modernes de ce concerto. Le jeu délicat, plein de sensibilité d’Angelich est approprié pour cette oeuvre, même si l’on regrettera qu’il se charge parfois d’un peu trop d’intentions pour être naturel ; et cela se manifeste par exemple dans les ralentissements excessifs et un peu lourds qui ponctuent les épisodes doux du premier mouvement. Mais si l’on veut bien pardonner ces effets un peu douteux à Angelich, on peut alors jouir d’une approche juste et sincère, agrémentée d’une sonorité élégante et sculptée que la prise de son, avantageant beaucoup le bas médium, rend de façon efficace. D’ailleurs, le captage influe aussi beaucoup sur la sonorité de l’orchestre de Francfort, qui sonne ici de façon beaucoup plus puissante et impressionnante que d’habitude. En revanche, ce centrage des fréquences dans un registre plus grave qu’usuellement ne favorise pas la limpidité de l’ensemble, peu lisible, assez opaque, quelque part très allemand. Ce n’est pas rédhibitoire, d’autant que la direction de Järvi laisse pantois, par son dynamisme, orageux dans le premier mouvement, fluide et subtil dans le finale, ou sa poésie ineffable (comme l’adagio chante !). De cette alchimie réussie entre un piano élégant et un chef aussi intelligent et lyrique que Järvi naît un deuxième mouvement magique, peut-être le plus beau de la discographie, qui en tous cas sonne de façon incomparable - écoutez ces bassons ! Et le finale, en dépit d’un tempo plus modéré que d’habitude, n’ennuie jamais : son tournoiement perpétuel, sa variété de couleurs, la bonne humeur qui s’en dégage lui confèrent une chaleur remarquable.

Le complément de minutage est constitué par la version pour piano à quatre mains des fameuses Danses Hongroises de Brahms, ou du moins de certaines d’entre elles, qu’on a plus l’habitude d’entendre dans une version orchestrée. A notre avis d’ailleurs, l’orchestration leur convient mieux, car elle préserve une palette élargie de timbres qu’une version pour piano ne peut restituer. Cependant, Angelich et Braley font preuve de poésie, d’un charme tout désuet assez irrésistible, d’autant que l’acoustique réverbérée de l’église parisienne où ces danses ont été captées donne au piano un son très agréable. On saluera notamment les danses n°2 et 3, très convaincantes, tandis que l’orchestre est décidément mieux approprié aux n°4, 5 ou 14.

Un disque qui reste malgré tout excellent, et qui prouve qu’Angelich et Järvi sont deux interprètes à suivre pour le reste de leur carrière, qu’on leur souhaite encore longue et fructueuse.


Johannes Brahms (1833-1897), Concerto pour piano n°1 en ré mineur Op.15, Danses Hongroises pour piano à 4 mains, n°1-5, 7, 11, 14 et 17
Nikolas Angelich, piano
Frank Braley, piano (danses hongroises)
Frankfurter Rundfunk-Symphonie-Orchester
Paavo Järvi, direction
1 cd Virgin Classics 50999 518998, Enregistré en février 2007 à la Sendesaal de Francfort (concerto) et en décembre 2007 à l’église Notre-Dame-du-Liban à Paris (danses hongroises).

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