La Philharmonie orchestre avec maestria sa partition
Le Monde
Marie-Aude Roux
15/01/2015
C’est un grand soir pour la Philharmonie de Paris, le premier soir. Comme Jean Nouvel et son peuple migrateur d’oiseaux, nichés au sol et sur les toits, le mélomane qui traverse ce mercredi 14 janvier la place de la Fontaine-aux-Lions, dans la nuit étoilée d’une myriade de petites lumières bleues – ce marquage bienveillant des pistes d’aéroport –, croit lui aussi à l’envol par la musique.
L’inauguration du grand auditorium parisien est placée sous surveillance maximale. Portiques détecteurs de métaux, chiens policiers et services de sécurité en alerte. Les journalistes ont été priés d’être là bien avant l’heure officielle du discours de François Hollande, initialement prévu à 19 heures.
Le président de la République est arrivé avec presque une heure de retard et, sur le visage, la solennité qu’il affiche depuis les attentats meurtriers perpétrés il y a une semaine contre Charlie Hebdo, avant la prise d’otages à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, vendredi 9 janvier.
C’est d’ailleurs à quelques encablures de la Philharmonie, porte de Pantin, que les assassins ont réussi à donner le change momentanément aux forces de l’ordre lancées à leur poursuite.
Le discours du chef de l’Etat salue l’ouverture de ce lieu culturel « exceptionnel », le plus grand événement depuis l’Opéra Bastille en 1989, qui « sera sans doute un jour considéré comme le premier chantier du Grand Paris ».
Avant lui, la maire de Paris, Anne Hidalgo a souligné la haute pertinence « de ce lieu d’excellence dans un quartier populaire », cependant que le président de la Philharmonie, Laurent Bayle, rendait hommage au compositeur et chef d’orchestre, Pierre Boulez, qui a porté et soutenu le projet contre vents et marées depuis le début des années 1980. Son état de santé, devenu précaire à bientôt 90 ans, a rendu impossible qu’il assiste physiquement à cette réalisation tant attendue.
Le président de la République acclamé
Le planning du protocole annonçait le départ de François Hollande après la cérémonie mais c’est une longue salve d’applaudissements, public debout, qui accueille le président de la République, accompagné de Manuel Valls, au premier rang du premier balcon de l’auditorium. Le gala de l’Orchestre de Paris peut alors commencer.
Heureuse métaphore du vent républicain qui souffle sur la France ? Ce premier concert est entièrement dédié à la musique française, il est interprété de surcroît, fors le baryton allemand Matthias Goerne et le chef estonien Paavo Järvi, par des musiciens français. Une « union nationale » de la musique que souligne d’emblée le symbolique Tuning Up d’Edgard Varèse, courte pièce fondée sur l’accord des musiciens d’orchestre avant le concert, d’où émergent çà et là… sirènes de police et bribes de Marseillaise.
Baptême du feu musical
Lui succédera le non moins symbolique Sur le même accord qu’Henri Dutilleux (1916-2013) écrivit pour la violoniste Anne-Sophie Mutter, interprété ici par le magnifique Guarnerius del Gésu de 1737 de Renaud Capuçon. Plus prémonitoires encore, les quatre extraits du Requiem de Fauré, de l’« Offertoire » au « Paradisum », en passant par le « Pie Jesu » et le « Libera me ». Un recueillement de circonstance, porté avec cœur par le Chœur de l’Orchestre de Paris et la sobriété des solistes, la jeune soprano Sabine Devieilhe et Matthias Goerne. Un ange musicien passera ensuite : Hélène Grimaud tout de blanc vêtue s’incarnant en pianiste le temps d’un terrestre Concerto en sol de Ravel, dont elle se laissera convaincre de bisser le dernier mouvement.
Vue d'ensemble de la Philharmonie de Paris, le 14 janvier 2015. | REUTERS/CHARLES PLATIAU
Le temps d’un cocktail minute, le public reprend place pour la seconde partie du concert. Le président de la République, décidément gagné à la cause symphonique, s’est rassis pour assister à création mondiale du jubilatoire Concerto pour orchestre en quatre mouvements, de Thierry Escaich. Une bonne idée que d’avoir commandé au compositeur du fameux Claude,opéra d’après Victor Hugo sur un livret de Robert Badinter mis en scène par Olivier Py à l’Opéra de Lyon, cette partition admirablement écrite pour l’orchestre, à l’hédonisme séducteur.
Des musiciens galvanisés
Une parfaite mise en appétit pour la Suite n° 2 du Daphnis et Chloé de Ravel, emporté par la baguette flamboyante d’un Paavo Järvi coloriste à la tête de ses troupes instrumentales et chorales galvanisées. L’auditorium de la Philharmonie (2 400 places) vient de vivre sans démériter son baptême du feu musical, confirmant les espérances de son résident principal, l’Orchestre de Paris, ainsi que de ses auditeurs et commanditaires.
Dans l’après-midi, un coup de théâtre a pourtant failli gâcher la fête : Jean Nouvel a fait savoir, par une virulente tribune publiée sur Lemonde.fr, qu’il ne participerait pas à l’inauguration de sa salle. Inimaginable ! Envolé, l’oiseau ! Ne l’avait-t-on pas vu deux jours plus tôt, lundi 12 janvier, boire le champagne en compagnie des équipes de la Philharmonie et de son président, Laurent Bayle, à l’issue de l’émouvant « concert des casques », qui marquait la première rencontre de l’Orchestre de Paris avec son auditorium ? Cette pré-générale destinée aux ouvriers du chantier ainsi qu’aux valeureuses équipes de feu la Salle Pleyel et Cité de la Musique (rassemblées désormais sous l’unique bannière de la Philharmonie), Jean Nouvel l’avait honorée non seulement de sa présence mais d’un assez long discours liminaire. Il y parlait effectivement de l’inachèvement de son projet, de ses rapports tendus avec la maîtrise d’ouvrage, regrettant une ouverture prématurée à son goût. Mais rien dans la formulation et le ton ne laissait présager cette déclaration de guerre que d’aucuns considèrent déloyale, au moins dans sa forme.
Le « Guinness des records »
L’architecte avait en effet aussi évoqué l’achèvement de son œuvre à l’été 2015, formulant même des vœux pouvant faire office d’assentiment : « Nous sommes entrés dans des jours difficiles, mais malgré cela, nous allons essayer de figurer dans le Guinness des records », avait-il lancé, faisant allusion à la conception inédite de sa salle, « la première salle symphonique de ce niveau ».
A la position du maître d’œuvre esthète, soucieux de son œuvre, Laurent Bayle a répondu projet artistique et sociétal. Pour lui, la Philharmonie répond avant tout à une mission de service public. Plaident donc en faveur de son ouverture dès janvier 2015 l’impatience des musiciens résidents ou non, dont la programmation est bouclée depuis plus d’un an, le respect des publics à qui sont destinés les équipements, et surtout « le fait que chacun des espaces – bureaux, espaces pédagogiques, salles et studios de répétition, et bien sûr, l’auditorium – a été dûment réceptionné par les autorités compétentes, ce qui autorise leur utilisation ».
La « saga philharmonia »
Ce bras de fer s’ajoute à la liste déjà longue de la « saga philharmonia », un modèle du genre en termes de revirements multiples sur fond de guérilla politico-financière, dont la dernière ligne droite, si l’on peut dire, a mis les nerfs de tous à plus ou moins rude épreuve. Jusqu’au bout, les plannings ont dû être modifiés, les plages réservées aux essais acoustiques fondant comme neige au soleil au fur et à mesure que s’amoncelaient les retards sur le chantier. Idem pour l’Orchestre de Paris, certes fort content de sa salle de répétition, qui n’aura finalement eu accès à l’auditorium que deux jours avant l’ouverture.
Reste que la Philharmonie aura finalement le dernier mot : ce concert a confirmé nos premières impressions. Une acoustique chaleureuse, dont la belle réverbération ne nuit pas à la lisibilité de la musique. Avec la sensation inédite d’être plongé au cœur de la partition. Certains équilibres devront bien sûr être travaillés, celui entre l’orchestre et le chœur notamment, entre vents et cordes, ces dernières souffrant d’une certaine matité, entre aigus et graves, ceux-là manquant de présence. Mais les prochaines semaines devraient bénéficier des essais acoustiques qui n’ont pu être réalisés jusqu’alors.
Une sensation d’enveloppement
Il conviendra notamment d’ajuster la hauteur du canopy, ce réflecteur central en forme de soucoupe volante, capable de varier de 8 mètres à 16 mètres du sol, qui permet aux musiciens de s’entendre jouer, d’entendre les autres tout en percevant la « réponse » de la salle. Celle-ci, dotée de puissants réflecteurs, murs, parois des balcons et panneaux flottants appelés nuages, a été conçue pour donner à l’auditeur une sensation d’enveloppement, à la manière d’un énorme casque, la sensation de l’espace en plus. Elle a, en revanche, laissé peu de place aux matériaux absorbants : ce sont les sièges et les spectateurs qui en constituent les 80 %. L’expectoration d’une toux, le chuchotis ou le froissement d’une page tournée sans précaution sont donc particulièrement perceptibles.
Mais quel bonheur d’entendre un puissant tutti d’orchestre résonner sans la moindre saturation, avec le sentiment confortable d’avoir encore, comme on dit, de la marge. En fin de semaine dernière, nous avions rencontré les acousticiens de la firme néo-zélandaise Marshall Day Acoustics. Il y avait Christopher Day, son co-fondateur avec Harold Marshall, Peter Exton et Thomas Scelo, tous trois réduits à l’impuissance sous le regard compassionnel de leur collègue du Studio DAP, Federico Cruz-Barney, responsable de l’acoustique de la salle de répétition de l’orchestre. Plutôt confiants. Ils nous avaient fait remarquer qu’ils n’étaient pas là pour découvrir une acoustique mais pour vérifier son bon fonctionnement.
Dix-sept configurations acoustiques
L’élaboration du projet avait nécessité quelque trois longues années d’étude et le chantier a été suivi pas-à-pas grâce à la modélisation informatique d’une maquette de la salle construite au un dixième.
Restait à effectuer les mesures scientifiques destinées à prendre les repères acoustiques de la salle afin d’en faire la mise au point, avant de passer le relais aux musiciens. Ceux-ci devront apprendre à se servir de cet instrument de haute précision qui comprend pas moins de 17 configurations acoustiques différentes, à quoi s’ajoute le jeu d’éventail de leurs combinatoires.
La Philharmonie sera-t-elle « la plus belle salle du monde » ? Elle a en tout cas envoûté le président François Hollande resté, contre toute attente, jusqu’au bout du gala inaugural.
http://www.lemonde.fr/architecture/article/2015/01/15/la-philharmonie-orchestre-avec-maestria-sa-partition_4556737_1809550.html
Marie-Aude Roux
15/01/2015
C’est un grand soir pour la Philharmonie de Paris, le premier soir. Comme Jean Nouvel et son peuple migrateur d’oiseaux, nichés au sol et sur les toits, le mélomane qui traverse ce mercredi 14 janvier la place de la Fontaine-aux-Lions, dans la nuit étoilée d’une myriade de petites lumières bleues – ce marquage bienveillant des pistes d’aéroport –, croit lui aussi à l’envol par la musique.
L’inauguration du grand auditorium parisien est placée sous surveillance maximale. Portiques détecteurs de métaux, chiens policiers et services de sécurité en alerte. Les journalistes ont été priés d’être là bien avant l’heure officielle du discours de François Hollande, initialement prévu à 19 heures.
Le président de la République est arrivé avec presque une heure de retard et, sur le visage, la solennité qu’il affiche depuis les attentats meurtriers perpétrés il y a une semaine contre Charlie Hebdo, avant la prise d’otages à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, vendredi 9 janvier.
C’est d’ailleurs à quelques encablures de la Philharmonie, porte de Pantin, que les assassins ont réussi à donner le change momentanément aux forces de l’ordre lancées à leur poursuite.
Le discours du chef de l’Etat salue l’ouverture de ce lieu culturel « exceptionnel », le plus grand événement depuis l’Opéra Bastille en 1989, qui « sera sans doute un jour considéré comme le premier chantier du Grand Paris ».
Avant lui, la maire de Paris, Anne Hidalgo a souligné la haute pertinence « de ce lieu d’excellence dans un quartier populaire », cependant que le président de la Philharmonie, Laurent Bayle, rendait hommage au compositeur et chef d’orchestre, Pierre Boulez, qui a porté et soutenu le projet contre vents et marées depuis le début des années 1980. Son état de santé, devenu précaire à bientôt 90 ans, a rendu impossible qu’il assiste physiquement à cette réalisation tant attendue.
Le président de la République acclamé
Le planning du protocole annonçait le départ de François Hollande après la cérémonie mais c’est une longue salve d’applaudissements, public debout, qui accueille le président de la République, accompagné de Manuel Valls, au premier rang du premier balcon de l’auditorium. Le gala de l’Orchestre de Paris peut alors commencer.
Heureuse métaphore du vent républicain qui souffle sur la France ? Ce premier concert est entièrement dédié à la musique française, il est interprété de surcroît, fors le baryton allemand Matthias Goerne et le chef estonien Paavo Järvi, par des musiciens français. Une « union nationale » de la musique que souligne d’emblée le symbolique Tuning Up d’Edgard Varèse, courte pièce fondée sur l’accord des musiciens d’orchestre avant le concert, d’où émergent çà et là… sirènes de police et bribes de Marseillaise.
Baptême du feu musical
Lui succédera le non moins symbolique Sur le même accord qu’Henri Dutilleux (1916-2013) écrivit pour la violoniste Anne-Sophie Mutter, interprété ici par le magnifique Guarnerius del Gésu de 1737 de Renaud Capuçon. Plus prémonitoires encore, les quatre extraits du Requiem de Fauré, de l’« Offertoire » au « Paradisum », en passant par le « Pie Jesu » et le « Libera me ». Un recueillement de circonstance, porté avec cœur par le Chœur de l’Orchestre de Paris et la sobriété des solistes, la jeune soprano Sabine Devieilhe et Matthias Goerne. Un ange musicien passera ensuite : Hélène Grimaud tout de blanc vêtue s’incarnant en pianiste le temps d’un terrestre Concerto en sol de Ravel, dont elle se laissera convaincre de bisser le dernier mouvement.
Vue d'ensemble de la Philharmonie de Paris, le 14 janvier 2015. | REUTERS/CHARLES PLATIAU
Le temps d’un cocktail minute, le public reprend place pour la seconde partie du concert. Le président de la République, décidément gagné à la cause symphonique, s’est rassis pour assister à création mondiale du jubilatoire Concerto pour orchestre en quatre mouvements, de Thierry Escaich. Une bonne idée que d’avoir commandé au compositeur du fameux Claude,opéra d’après Victor Hugo sur un livret de Robert Badinter mis en scène par Olivier Py à l’Opéra de Lyon, cette partition admirablement écrite pour l’orchestre, à l’hédonisme séducteur.
Des musiciens galvanisés
Une parfaite mise en appétit pour la Suite n° 2 du Daphnis et Chloé de Ravel, emporté par la baguette flamboyante d’un Paavo Järvi coloriste à la tête de ses troupes instrumentales et chorales galvanisées. L’auditorium de la Philharmonie (2 400 places) vient de vivre sans démériter son baptême du feu musical, confirmant les espérances de son résident principal, l’Orchestre de Paris, ainsi que de ses auditeurs et commanditaires.
Dans l’après-midi, un coup de théâtre a pourtant failli gâcher la fête : Jean Nouvel a fait savoir, par une virulente tribune publiée sur Lemonde.fr, qu’il ne participerait pas à l’inauguration de sa salle. Inimaginable ! Envolé, l’oiseau ! Ne l’avait-t-on pas vu deux jours plus tôt, lundi 12 janvier, boire le champagne en compagnie des équipes de la Philharmonie et de son président, Laurent Bayle, à l’issue de l’émouvant « concert des casques », qui marquait la première rencontre de l’Orchestre de Paris avec son auditorium ? Cette pré-générale destinée aux ouvriers du chantier ainsi qu’aux valeureuses équipes de feu la Salle Pleyel et Cité de la Musique (rassemblées désormais sous l’unique bannière de la Philharmonie), Jean Nouvel l’avait honorée non seulement de sa présence mais d’un assez long discours liminaire. Il y parlait effectivement de l’inachèvement de son projet, de ses rapports tendus avec la maîtrise d’ouvrage, regrettant une ouverture prématurée à son goût. Mais rien dans la formulation et le ton ne laissait présager cette déclaration de guerre que d’aucuns considèrent déloyale, au moins dans sa forme.
Le « Guinness des records »
L’architecte avait en effet aussi évoqué l’achèvement de son œuvre à l’été 2015, formulant même des vœux pouvant faire office d’assentiment : « Nous sommes entrés dans des jours difficiles, mais malgré cela, nous allons essayer de figurer dans le Guinness des records », avait-il lancé, faisant allusion à la conception inédite de sa salle, « la première salle symphonique de ce niveau ».
A la position du maître d’œuvre esthète, soucieux de son œuvre, Laurent Bayle a répondu projet artistique et sociétal. Pour lui, la Philharmonie répond avant tout à une mission de service public. Plaident donc en faveur de son ouverture dès janvier 2015 l’impatience des musiciens résidents ou non, dont la programmation est bouclée depuis plus d’un an, le respect des publics à qui sont destinés les équipements, et surtout « le fait que chacun des espaces – bureaux, espaces pédagogiques, salles et studios de répétition, et bien sûr, l’auditorium – a été dûment réceptionné par les autorités compétentes, ce qui autorise leur utilisation ».
La « saga philharmonia »
Ce bras de fer s’ajoute à la liste déjà longue de la « saga philharmonia », un modèle du genre en termes de revirements multiples sur fond de guérilla politico-financière, dont la dernière ligne droite, si l’on peut dire, a mis les nerfs de tous à plus ou moins rude épreuve. Jusqu’au bout, les plannings ont dû être modifiés, les plages réservées aux essais acoustiques fondant comme neige au soleil au fur et à mesure que s’amoncelaient les retards sur le chantier. Idem pour l’Orchestre de Paris, certes fort content de sa salle de répétition, qui n’aura finalement eu accès à l’auditorium que deux jours avant l’ouverture.
Reste que la Philharmonie aura finalement le dernier mot : ce concert a confirmé nos premières impressions. Une acoustique chaleureuse, dont la belle réverbération ne nuit pas à la lisibilité de la musique. Avec la sensation inédite d’être plongé au cœur de la partition. Certains équilibres devront bien sûr être travaillés, celui entre l’orchestre et le chœur notamment, entre vents et cordes, ces dernières souffrant d’une certaine matité, entre aigus et graves, ceux-là manquant de présence. Mais les prochaines semaines devraient bénéficier des essais acoustiques qui n’ont pu être réalisés jusqu’alors.
Une sensation d’enveloppement
Il conviendra notamment d’ajuster la hauteur du canopy, ce réflecteur central en forme de soucoupe volante, capable de varier de 8 mètres à 16 mètres du sol, qui permet aux musiciens de s’entendre jouer, d’entendre les autres tout en percevant la « réponse » de la salle. Celle-ci, dotée de puissants réflecteurs, murs, parois des balcons et panneaux flottants appelés nuages, a été conçue pour donner à l’auditeur une sensation d’enveloppement, à la manière d’un énorme casque, la sensation de l’espace en plus. Elle a, en revanche, laissé peu de place aux matériaux absorbants : ce sont les sièges et les spectateurs qui en constituent les 80 %. L’expectoration d’une toux, le chuchotis ou le froissement d’une page tournée sans précaution sont donc particulièrement perceptibles.
Mais quel bonheur d’entendre un puissant tutti d’orchestre résonner sans la moindre saturation, avec le sentiment confortable d’avoir encore, comme on dit, de la marge. En fin de semaine dernière, nous avions rencontré les acousticiens de la firme néo-zélandaise Marshall Day Acoustics. Il y avait Christopher Day, son co-fondateur avec Harold Marshall, Peter Exton et Thomas Scelo, tous trois réduits à l’impuissance sous le regard compassionnel de leur collègue du Studio DAP, Federico Cruz-Barney, responsable de l’acoustique de la salle de répétition de l’orchestre. Plutôt confiants. Ils nous avaient fait remarquer qu’ils n’étaient pas là pour découvrir une acoustique mais pour vérifier son bon fonctionnement.
Dix-sept configurations acoustiques
L’élaboration du projet avait nécessité quelque trois longues années d’étude et le chantier a été suivi pas-à-pas grâce à la modélisation informatique d’une maquette de la salle construite au un dixième.
Restait à effectuer les mesures scientifiques destinées à prendre les repères acoustiques de la salle afin d’en faire la mise au point, avant de passer le relais aux musiciens. Ceux-ci devront apprendre à se servir de cet instrument de haute précision qui comprend pas moins de 17 configurations acoustiques différentes, à quoi s’ajoute le jeu d’éventail de leurs combinatoires.
La Philharmonie sera-t-elle « la plus belle salle du monde » ? Elle a en tout cas envoûté le président François Hollande resté, contre toute attente, jusqu’au bout du gala inaugural.
http://www.lemonde.fr/architecture/article/2015/01/15/la-philharmonie-orchestre-avec-maestria-sa-partition_4556737_1809550.html
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