Ouverture de la Philharmonie de Paris

Gobuz
André Tubeuf
16/01/2015
L'Orchestre de Paris sur scène (© Charles Platiau / AFP)
L'Orchestre de Paris sur scène (© Charles Platiau / AFP)
Bon, alléluia, ou cocorico, selon la religion de chacun. La Philharmonie est inaugurée à la date annoncée. Il n’y a plus qu’à espérer qu’elle marche, et paye en musique bien faite ce qu’elle coûte forcément à tant d’autres destinataires possibles dans la Culture, qui n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Et ne ménageons pas nos raisons d’applaudir. C’est beau, c’est grand, c’est loin aussi. Tout ça, on le savait. Et on savait aussi que l’Orchestre de Paris est en très bonne forme. Il n’en est que plus dommage que Paavo Järvi doive précisément le quitter. Un si grand vaisseau, si cher à gréer, à équiper, puis à faire fonctionner maintenant ! Si c’est au nom de la Musique qu’il a été fait (mais est-ce ? Le nom en tout cas a disparu, alors qu’il était flagrant dans la ci-devant Cité), alors la sagesse, l’action continue d’un capitaine, qui sait ce qu’il veut, où il va, est la chose premièrement vitale. Imagine-t-on que la Philharmonie de Berlin aurait été concevable sans Karajan ? La Halle aux Grains sans Plasson ? Nos décideurs ne voient qu’architecture, c’est du solide (croient-ils). Ils ne pensent pas aux entraîneurs, eux qui sont la vie. Se sont-ils demandé ce qui dans cette affaire est en jeu, et risque d’en faire les frais, à force de jouer sur les lieux, s’opposer les générations, de ne jurer que par l’Avenir ? Qu’ils sortent des rangs et lèvent le doigt, ceux qui dans la quantité de non-décideurs qui ont décidé un projet mégalomaniaque (au fond, Landowski plus Boulez devenus un seul grand machin modulable) et l’ont baptisé au champagne ces 14 et 15 janvier, oseront nous dire les yeux bien en face qu’ils l’ont fait pour la Musique. Hélas, ce n’est pas d’aujourd’hui. Nerval déjà disait à propos de la Madeleine que la République s’empresse de dresser à Dieu des temples qui pourront servir à autre chose quand on aura cessé de croire en lui. Qui, ici, croit à la Musique ?  Est-ce un temple à elle, où l’on grimpe comme à une pyramide aztèque ? Ou mausolée peut-être ?

Philharmonie de Paris, 14 janvier 2015 (DR)
Philharmonie de Paris, 14 janvier 2015 (DR)
Qu’on se le dise, en tout cas la salle de concert est flatteuse, vaste, commode avec ses gradins, on y est bien assis, ce qu’on ne peut pas dire de bien d’autres, up to date pourtant. Confort physique, et confort acoustique. On va baigner dans la musique, le son symphonique est à l’aise ici, et respire. On va entendre des Danses Polovtsiennes précisément faites pour que ressortent les couleurs de l’orchestre, ses diaprures, ses contrastes, et cela ressort, avec une finesse, une lisibilité qui ne nuisent pas à la consistance du son. On avoue n’avoir en revanche guère goûté Lang Lang dans le Tchaikovski qui a suivi. Puissance, fracas, et pas mal de vanité ensuite dans du pianissimo en contraste. Mais comme va le montrer Schumann en bis, rien qui chante, pas de timbre propre. Du minéral, ou couleur muraille. Mais l’ovation éclatait déjà après le premier mouvement. Alors, pensez, à la vraie fin ! Le tonnerre !!
Mais enfin, c’est parti. On a repéré dans des mains discrètes des affichettes où se lisait : Je suis Pleyel. Vains regrets ! Un public ne voulant surtout pas manquer une inauguration a loué pour ce soir, des mois en avance, et le voilà charmé, converti, enthousiaste. Très bien. Mais qu’il revienne, alors ! Qu’il aime sa Philharmonie au quotidien, et pas seulement pour le baptême au champagne du premier jour. Elle en aura besoin.
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