Philharmonie de Paris : on en prend plein les esgourdes
Nouvelobs.com
Jacques Drillon
15/01/2015
Quoique inachevée, voilà la Philharmonie de Paris inaugurée. En grande pompe, par François Hollande et Anne Hidalgo, en présence de Manuel Valls, Fleur Pellerin, Jean-Paul Huchon, et autres ministres, en exercice ou non, accompagnés de moult messieurs en pardessus courts.
Cette inauguration, qui intervient alors que le bâtiment est encore en travaux (à l’intérieur comme à l’extérieur), a provoqué la colère publique de Jean Nouvel, son architecte, qui a brillé par son absence. On peut le comprendre : que le public essuie les plâtres, passe, mais encore faut-il qu’il y ait des plâtres. Au lieu de quoi des drapés de tissus gris perle cachent les misères encore à vif, le béton est brut, les engins sommeillent…
Même en l’état, le bâtiment a une allure folle, avec cette espèce d’empilement de strates inégales, inclinées, ses pentes, ses parties brillantes ou mates. Et la salle aussi : profusions de balcons aux formes souples, ondulées, ses courbes grasses, et ces longues lames légèrement vrillées qui pendent du plafond, ces lignes qui en prolongent d’autres ou s’arrêtent brusquement : une salle éclatée, mais tout entière serrée autour de la scène centrale. Une grande salle, de 2.400 places, modulable, dont une partie peut s’escamoter dans les murs, prête pour toutes les musiques. Une grande salle qui aurait l’atmosphère d’une petite, tant elle est chaude, accueillante, sonore.
La réverbération est confortable, encore qu’on la rêve un peu plus longue : le capital de précision est immense, et l’on pourra en sacrifier un peu. Certes, pour l’instant, les graves sont légèrement privilégiés, et le piano, un peu paresseux, met du temps à répondre. La voix soliste s’épanouit avec générosité, mais sa directivité est encore instable. Au cours des mois qui viennent, cent mises au point viendront rectifier ces imperfections.
Le bâtiment est là pour les siècles à venir ; il a de toute évidence été pensé comme un ensemble de classe internationale, au profit du public d’une capitale – mais aussi d’un public de quartier. Pantin est là, tout proche, l’accès au nouveau parking souterrain se fait directement du boulevard périphérique, on pénètre dans la Philharmonie de mille façons, à mille hauteurs, avec le sentiment qu’elle nous appartient… Pendant tout le week-end, les portes seront ouvertes, les concerts gratuits, et les visites possibles… Un jour Jean Nouvel viendra, "apaisé", comme a dit François Hollande en souriant, et constatera que son œuvre est une réussite totale.
http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20150115.OBS0016/philharmonie-de-paris-on-en-prend-plein-les-esgourdes.html
Jacques Drillon
15/01/2015
Au-delà de la colère de Jean Nouvel et de quelques imperfections qui seront vite corrigées, la nouvelle salle fonctionne, et c'est une réussite !
La Philharmonie de Paris mercredi 14 janvier 2014. (Charles Platiau/AP/SIPA)
Quoique inachevée, voilà la Philharmonie de Paris inaugurée. En grande pompe, par François Hollande et Anne Hidalgo, en présence de Manuel Valls, Fleur Pellerin, Jean-Paul Huchon, et autres ministres, en exercice ou non, accompagnés de moult messieurs en pardessus courts.
Cette inauguration, qui intervient alors que le bâtiment est encore en travaux (à l’intérieur comme à l’extérieur), a provoqué la colère publique de Jean Nouvel, son architecte, qui a brillé par son absence. On peut le comprendre : que le public essuie les plâtres, passe, mais encore faut-il qu’il y ait des plâtres. Au lieu de quoi des drapés de tissus gris perle cachent les misères encore à vif, le béton est brut, les engins sommeillent…
Chaud, accueillant, sonore
Et pourtant la salle proprement dite est prête, elle fonctionne. Une partie des espaces pédagogiques aussi, avec leurs milliers d’instruments de musique, car le projet de la Philharmonie est très largement axé sur la formation, les enfants, les adolescents, l’ouverture vers les musiques actuelles, extra-européennes. C’est une énorme machine, dans laquelle la salle de concerts n’est qu’un élément.Même en l’état, le bâtiment a une allure folle, avec cette espèce d’empilement de strates inégales, inclinées, ses pentes, ses parties brillantes ou mates. Et la salle aussi : profusions de balcons aux formes souples, ondulées, ses courbes grasses, et ces longues lames légèrement vrillées qui pendent du plafond, ces lignes qui en prolongent d’autres ou s’arrêtent brusquement : une salle éclatée, mais tout entière serrée autour de la scène centrale. Une grande salle, de 2.400 places, modulable, dont une partie peut s’escamoter dans les murs, prête pour toutes les musiques. Une grande salle qui aurait l’atmosphère d’une petite, tant elle est chaude, accueillante, sonore.
Vivement les symphonies de Bruckner !
Car les plâtres sont aussi acoustiques, en quelque sorte. Et Nouvel ne l’ignore pas. Il aurait préféré que les réglages se fassent avant l’ouverture. Mais grâce à l’Orchestre de Paris, ses chœurs, un violon solo (Renaud Capuçon), un piano solo (Hélène Grimaud), des chanteurs (Sabine Devieilhe et Mattias Goerne), on a pu constater que, à la manière d’un jeune garnement pas encore policé, le "fond est bon". Toute la salle vibre avec l’orchestre, le son prend possession de l’énorme cubage d’air sans distorsion, même dans les fortissimos les plus fracassants. Qu’on soit près ou loin (on n’est jamais très loin), on en prend plein les esgourdes. Vivement les symphonies de Bruckner !...La réverbération est confortable, encore qu’on la rêve un peu plus longue : le capital de précision est immense, et l’on pourra en sacrifier un peu. Certes, pour l’instant, les graves sont légèrement privilégiés, et le piano, un peu paresseux, met du temps à répondre. La voix soliste s’épanouit avec générosité, mais sa directivité est encore instable. Au cours des mois qui viennent, cent mises au point viendront rectifier ces imperfections.
Le bâtiment est là pour les siècles à venir ; il a de toute évidence été pensé comme un ensemble de classe internationale, au profit du public d’une capitale – mais aussi d’un public de quartier. Pantin est là, tout proche, l’accès au nouveau parking souterrain se fait directement du boulevard périphérique, on pénètre dans la Philharmonie de mille façons, à mille hauteurs, avec le sentiment qu’elle nous appartient… Pendant tout le week-end, les portes seront ouvertes, les concerts gratuits, et les visites possibles… Un jour Jean Nouvel viendra, "apaisé", comme a dit François Hollande en souriant, et constatera que son œuvre est une réussite totale.
http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20150115.OBS0016/philharmonie-de-paris-on-en-prend-plein-les-esgourdes.html
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