La rentrée tonique de l'Orchestre de Paris
Christian Merlin
19/09/2011
Dirigée par Paavo Järvi, la formation a lancé à Pleyel le programme de sa nouvelle saison.
Comme les écoliers, les orchestres ont leur rentrée. Au retour des vacances, les doigts des violonistes sont encore un peu gourds, les lèvres des hautboïstes encore un peu sèches: il s'agit de se remettre dans le bain, et de monter en puissance après un échauffement.
Rien de tel à l'Orchestre de Paris, qui se montre pressé d'en découdre dès le premier programme de la saison: entrée en matière pour le moins riche de promesses. L'énergie est là, déjà pleinement mobilisée, l'envie de jouer palpable du premier au dernier pupitre. Bref, la dynamique positive constatée lors de la première saison de Paavo Järvi comme directeur musical a survécu à l'été. Elle s'est réactivée quelques jours avant la rentrée parisienne, avec un concert donné à Tallinn, ville natale du chef estonien, moment émouvant prompt à souder un orchestre et son maestro.
On était curieux de ce que le tandem Järvi-OP allait donner dans la 5e de Beethoven, test pour un orchestre et un chef. Ce n'est pas encore l'accomplissement, mais quel chemin parcouru, déjà ! Järvi est habitué à jouer Beethoven avec les quarante musiciens de la Deutsche Kammerphilharmonie, dans une esthétique dégraissée. Avec l'OP, il conserve l'effectif symphonique (78 musiciens, dont 60 cordes), mais tente de retrouver la clarté et la tonicité de l'orchestre de chambre sans renier la puissance du grand orchestre.
Une phase d'accoutumance
Cette recherche se poursuivra: la disposition, avec les seconds violons à droite et les contrebasses à gauche, qui était encore la règle avant-guerre, nécessitera par exemple une phase d'accoutumance des musiciens. Mais d'ores et déjà, la qualité du travail est patente. L'ensemble a beaucoup d'élan et de finesse, même si l'on gagnera encore en liberté. Une fois de plus, on est admiratif de la versatilité stylistique de Paavo Järvi, beethovénien racé qui, en lever de rideau, avait donné une interprétation tout aussi juste de l'Ouverture du corsaire de Berlioz, rappelant que le style français ne lui était en rien étranger.
La découverte, pour le public parisien, fut la jeune pianiste géorgienne Khatia Buniatishvili. Retenez bien ce nom: après un disque Liszt digne de Martha Argerich (Sony), elle a donné avec Järvi et l'OP un 2e Concerto de Chopin formidablement ciselé, sans une once d'affectation ou de vulgarité. C'est une rythmicienne de tout premier ordre, sans que son jeu soit mécanique, son côté félin empêchant son énergie de devenir brutale. Il lui restera à oser davantage d'émotion et d'intériorité et à moins se griser elle-même de ses fabuleux moyens.
Il sera donc intéressant de l'entendre en récital et non avec orchestre, ce qui sera possible à la Cité de la musique, le 5 janvier 2012.
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