Classique Œuvres pour orchestre

telerama.fr
Sophie Bourdais
9.01.2018


Sous la baguette de Paavo Järvi , les compositions de Paul Hindemith irradient de force, de couleurs ; celles de Brahms ou de Bach sont saisies d’accents résolument modernes.

On connaît l’attachement du chef estonien Paavo Järvi pour les compositeurs du nord de l’Europe (Sibelius, Tubin, Pärt…). On l’attendait moins en champion de l’Allemand Paul Hindemith (1895-1963), et en architecte inspiré d’un album d’arrangements où s’entrelacent quatre siècles de musique. Les enregistrements ont été réalisés entre 2007 et 2013 avec l’Orchestre symphonique de la radio de Francfort, dont Paavo Järvi était alors le directeur musical. Le premier disque, monographique, nous fait suivre la trajectoire d’Hindemith en commençant par sa symphonie Mathis le peintre (1934).

Le compositeur y élabore les fondations musicales de son opéra éponyme, qui sera interdit par les nazis, et précipitera son exil. Chaque mouvement s’inspire d’un panneau du retable d’Issenheim, peint par Matthias Grünewald, et la symphonie se parcourt comme une fresque aux couleurs vives et contrastées. Dans les Métamorphoses symphoniques (1943), l’angoisse se fond dans l’exubérance des sonorités. Vents solistes (remarquables !) et percussions s’en donnent à cœur joie. Les Cinq Pièces pour orchestre à cordes et le Ragtime complètent un tableau musical brossé par les interprètes avec un grand sens du détail, et une passion qui tient de la ferveur.

Moins pictural, tout aussi captivant, le second disque offre trois voyages dans le temps, qui valorisent les cordes soyeuses de la formation francfortoise. Le Quatuor avec piano nº 1 op. 25 de Johannes Brahms revit dans l’élégante et généreuse version pour orchestre imaginée par Arnold Schönberg. Si elle respecte l’univers brahmsien, on y distingue, notamment dans l’effervescent Rondo final, les effluves d’une modernité bien digérée. Arrangé pour orchestre à cordes par le chef américain Gerard Schwarz, le Mouvement lent d’Anton Webern est d’un romantisme intense. Mais c’est un Webern bien différent qui instrumente la Fuga (Ricercata) de L’Offrande musicale de Bach : si l’esprit originel demeure, la langue musicale a l’accent du xxe siècle.

Seule faute de goût dans ce double festin, l’indigence du volet éditorial. A part les notes d’intention du chef, sa biographie et celle de l’orchestre, rien ! On se consolera avec deux autres enregistrements de belle tenue, également dirigés par Paavo Järvi : la Symphonie nº 6 de Chostakovitch par l’Estonian Festival Orchestra (Alpha), et la Symphonie nº 2 de Brahms par la Deutsche Kammerphilharmonie Bremen (Sony Music/RCA).
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