Paavo Järvi : « A nous deux, Paris !

Par Pierre-Jean Tribot
15/09/2010
ResMusica.com

Passage de témoin à la tête de l’Orchestre de Paris avec l’arrivée du chef estonien Paavo Järvi au poste de directeur musical. Explorateur infatigable des symphonies du répertoire qu’il revitalise, le musicien possède une ouverture d’esprit totale et un répertoire sans limites. Rencontre avec un chef passionné qui ne cesse d’approfondir et de retravailler ses partitions et toujours en quête d’excellence.

ResMusica : Pouvez-vous nous parler de l’orchestre de Paris ?


Paavo
Järvi : Nous sommes au début d’une nouvelle collaboration qui sera très fructueuse et très positive. Il faudra un peu de temps pour que l’on s’adapte les uns aux autres car nous sommes justes à l’aurore d’une belle aventure, mais nous prenons déjà énormément de plaisir à travailler ensembles. Pour cette première saison, j’ai voulu diriger une large palette de compositeurs. Il y a bien sur de la musique française, mais aussi des grands classiques (Beethoven, Schumann, Bruckner), de la musique russe (Rachmaninov, Chostakovitch) et bien sur de la musique scandinave et baltique (Grieg, Pärt, Senthammar). Cette variété doit nous permettre aussi de trouver une bonne combinaison entre des œuvres connues et des œuvres à faire découvrir au public parisien. Au niveau du travail d’orchestre, cette saison d’exploration doit me permettre de voir comment l’orchestre évolue entre ces différents styles et périodes, et d’en tirer des conclusions pour poser les axes de notre travail futur. Je me réjouis du programme d’ouverture de la saison avec La Péri de Paul Dukas et Kullervo de Jean Sibelius. Ce sera la première fois que l’orchestre de Paris jouera Kullervo !

RM : Est-ce que vous souhaitez diriger les symphonies de Sibelius que le public parisien connaît encore assez mal et a découvert assez récemment ?

PJ
: Oui ! Je veux diriger l’intégrale de ses symphonies mais aussi l’intégrale des symphonies de Nielsen..

RM : Pensez-vous que l’orchestre de Paris possède encore un son « français » ?

PJ
: C’est très intéressant ! Nous sortons un disque Bizet et si vous écoutez la fantaisie symphonique Roma, l’orchestre y sonne de manière très française. Mais d’un autre côté, grâce au travail de Christophe Eschenbach, j’ai été séduit par la magnifique sonorité de cet orchestre dans la musique allemande. En réalité, au 21éme siècle, il est indispensable, pour les phalanges, d’évoluer avec flexibilité entre les styles et donc entre les sonorités. Si vous écoutez l’Orchestre les orchestres philharmonique de Munich ou Vienne dans Bruckner, vous attendez un certain type de son ; mais si vous les écoutez dans Tchaïkovski, vous n’attendez pas la même esthétique sonore. Les couleurs des cordes, par exemple, ne doivent pas être identiques. On ne peut donc pas faire la symphonie n°5 de Bruckner comme Le Sacre du printemps ! Le son doit être en relation avec le répertoire. Dès lors, nous recherchons le bon concept sonore pour Bizet, mais aussi les couleurs idéales pour Bruckner, Tchaïkovski ou Stravinsky.

RM : Voulez-vous travailler, avec l’orchestre de Paris, la musique française ? Pour vos prédécesseurs, Semyon Bychkov ou Christoph Eschenbach, en dépit de quelques explorations, la musique française n’était pas au cœur de leurs préoccupations.

PJ : Je suis un fan de la musique française. Comme je vous le disais, nous venons de publier un disque Bizet et, pour ma première saison, il y a déjà une belle sélection de musique française avec Berlioz, Debussy et Ravel. Ce qui m’attire c’est aussi d’explorer la face cachée de la musique française. Non pas, les aspects modernistes ou coloristes, mais de chercher une expressivité parfois une pointe de romantisme, surtout chez Dukas, Chabrier ou Saint-Saëns. Je suis aussi un grand amoureux de la musique de Ravel, de sa substance ou de ses couleurs.

RM : Vous êtes aussi lié à la Deutsche Kammerphilharmonie. Pouvez-vous nous parler de cet orchestre ?
PJ : La Deutsche Kammerphilharmonie est très particulière par rapport aux orchestres aux structures classiques. C’est un orchestre auto-géré qui décide de ses artistes invités et de ses projets, sans d’autres contraintes que l’envie commune de travailler avec les chefs, solistes et surtout de faire de la musique. A l’origine c’était un orchestre de jeunes, même en s’institutionnalisant et en « vieillissant », il a gardé son énergie, sa curiosité et son envie de dévorer la musique à pleines dents. Nous travaillons autour de projets et nous prenons le temps d’aller au fond de notre des partitions et de fignoler ou de creuser notre approche. J’aime ce souci d’excellence et cette volonté d’aller toujours, toujours et toujours plus loin. Nous avons enregistré les symphonies de Beethoven et nous sommes actuellement concentrés sur Schumann où nous recherchons un tonus et une fraîcheur dans l’interprétation.

RM : Et après Beethoven et Schumann, quelles seront vos prochaines explorations ? Bruckner et même Mahler ?
PJ : Bruckner serait possible à l’inverse de Mahler ! Oui, pourquoi pas ! Mais je pense que ce n’est pas une priorité, il y a d’autres symphonies à explorer avant, en particulier Schubert ou Brahms.

RM : Dans vos interprétations des symphonies de Schumann, vous jouez uniquement avec des instruments modernes. Les instruments anciens ne vous attirent pas ?

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