CONCERT REVIEW: Concertgebouw

14 August, 2007

This is from the musical blog Paris – Broadway

Concertgebouw, Amsterdam • hr-Sinfonieorchester, Paavo Järvi.

Nielsen : Maskarade, ouverture (1904-1906)
Mendelssohn : concerto pour violon (1844)
Veronika Eberle, violon
Dvořák : symphonie n°9, “Du Nouveau Monde” (1893)

Après plusieurs tentatives infructueuses, me voici enfin au légendaire Concertgebouw d’Amsterdam, une grande salle rectangulaire qui peut accueillir 2000 personnes — soit le même type de configuration et de jauge que le Musikverein de Vienne. Compte tenu de ses caractéristiques et de sa décoration opulente, c’est une salle à l’acoustique fournie, avec une réverbération assez forte, qui convient sans doute mieux au répertoire romantique qu’à d’autres.
Des médaillons disposés autour de la salle rendent hommage à de grands compositeurs : Mahler occupe la place d’honneur, entre Bruckner et Franck. Bach et Haendel se trouvent quant à eux de part et d’autre de l’orgue. Il y a dans le lot plusieurs noms de compositeurs néerlandais que l’on ne croise pas tous les jours (sauf sur les coffrets anthologiques de l’Orchestre du Concertgebouw) : Wagenaar, Diepenbrock, Verhulst, Pijper…
Les Amstellodamois sont de sacrés veinards : ils peuvent assister en juillet et août à une centaine de concerts tous plus alléchants les uns que les autres, tous donnés au Concertgebouw (il y a deux salles !), dans tous les genres : symphonique, opéra, jazz, musiques du monde, etc. Beaucoup parmi les interprètes à l’affiche sont des premiers couteaux. L’orchestre résident du Concertgebouw, l’un des meilleurs du monde, en fait évidemment partie.
Mais ce n’était pas lui qui se produisait ce soir. C’était l’Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort, avec son chef principal, l’Américain d’origine estonienne Paavo Järvi qui, depuis un concert inoubliable à la tête de l’Orchestre de Paris (dont il doit devenir le Directeur Musical dans quelques années), figure dans ma liste de chefs pour qui je n’hésite pas à sauter dans un avion.
Le concert a commencé avec l’ouverture de Maskarade, un opéra du compositeur danois Carl Nielsen. C’est une pièce d’une écriture assez simple, fort peut contrapuntique et aux harmonies relativement élémentaires. Mais elle est d’une belle énergie et permet surtout de montrer l’orchestre dans une forme déjà étonnante.
Puis vient le magnifique concerto pour violon de Mendelssohn, dont j’ai pris conscience durant la représentation qu’il me touche infiniment plus que celui de Brahms, beaucoup entendu ces derniers temps. Lorsque je vois la (très ?) jeune Veronika Eberle arriver avec son Giuseppe Gagliano de 1790, j’ai un petit moment d’inquiétude car il semble y avoir eu ces dernières années une génération spontanée de jeunes violonistes féminines dotées d’une technique parfaite mais plutôt rébarbatives à écouter. Dès les premières notes, je suis rassuré : Eberle a un son magnifique ; elle ne se contente pas d’effleurer les cordes, même dans les passages virtuoses : elle les travaille, elle les écrase… Il en résulte ce son charnu et chaleureux qui peut rendre le violon si ensorcelant. Certes, il lui manque encore un peu de passion, mais elle est bien jeune. Il faut qu’elle vive, qu’elle rie, qu’elle pleure un peu, mais elle semble avoir l’étoffe d’une grande. Il faudrait malgré tout qu’elle se décide à se muscler un peu les bras, et cela pour deux raisons : d’une part, cela lui éviterait la baisse de régime manifeste qu’elle a connue dans le troisième mouvement, dans lequel elle a donné beaucoup moins d’énergie au tricotage des dernières mesures qu’au reste de l’œuvre. D’autre part, c’est une absolue nécessité esthétique si elle veut continuer à porter des robes sans manches.
Je m’attendais à un grand moment avec la neuvième symphonie de Dvořák, et j’ai été servi. Järvi confirme qu’il est un visionnaire, un sculpteur de matière musicale qui n’hésite pas à faire des choix parfois un peu inhabituels, notamment dans ses tempos, mais sans jamais perdre le fil d’un propos parfaitement lisible et convaincant. Il faut dire que son Orchestre Symphonique de la Radio de Hambourg le suit les yeux fermés partout où il veut les emmener. L’homogénéité des cordes est étonnante, surtout dans les passages très lents et très (mais vraiment très) piano. Le solo de cor anglais, l’une des pages les plus émouvantes du répertoire, jouée avec une sensibilité infinie, prend aux tripes. Järvi mène les dernières minutes dans une sorte d’emballement qui évite le piège stylistique d’un discours un peu pompier. C’est vraiment superbe.
En bis, la sublime Valse Triste de Sibelius (après le compositeur danois et le compositeur tchèque, on nous sert donc le compositeur finlandais), jouée par un orchestre en état de grâce, avec notamment des pianissimi de cordes que je n’aurais même pas pensé possibles. Ce morceau me met toujours dans tous mes états ; j’ai été servi.
Et dire qu’il y a un deuxième concert à venir…

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