"Silhouette", d'Arvo Pärt, séduit par son lyrisme raffiné

Marie-Aude Roux
Le Monde
06.11.10

L
e compositeur estonien Arvo Pärt, né à Paide, le 11 septembre 1935, est à l'honneur en cet automne, qui voit fêter ses 75 ans. La longue et mince silhouette à la barbe de pope s'est fait connaître chez nous au début des années 1980, date à laquelle Pärt quitte l'Estonie pour s'installer à Vienne puis à Berlin. Les musiques de film de celui qui est le compositeur vivant le plus enregistré aujourd'hui sont dans bien des oreilles : Les Amants du Pont-Neuf, La Chambre des officiers, There Will Be Blood...

Créateur protéiforme, Arvo Pärt a tout essayé - les techniques sérielles, l'aléatoire, le collage citationnel, les polyphonies de la Renaissance - avant de trouver sa voie propre, celle d'un langage minimaliste et épuré, qui passe par la tentation spirituelle (en témoignent ses nombreuses oeuvres religieuses) et une recherche particulière des timbres. Un style qu'il a appelé "Tintinnabuli", inspiré du nom de la clochette que l'on accrochait au Moyen Age aux orgues portatives.

C'est pour l'Orchestre de Paris et plus encore pour son compatriote, le chef d'orchestre Paavo Järvi, qui en est le directeur musical depuis le début de la saison, que Pärt a écrit Silhouette. Cet hommage à Gustave Eiffel pour orchestre à cordes et percussions a été créé jeudi 4 novembre, Salle Pleyel, à Paris. En 1968, Credo, oeuvre orchestrale composée par Arvo Pärt, avait été interdite par le régime soviétique, mais néanmoins jouée par le père de Paavo Järvi, Neeme Järvi. Ce qui avait valu à toute la famille Järvi de devoir s'expatrier aux Etats-Unis. Silhouette est une oeuvre séduisante, au lyrisme raffiné, qui mêle sourds râles de gongs et courts éclats de glockenspiel avant de déployer une manière de valse lente aux cordes, parfois comme évidée par le passage de l'archet au pizzicato.

Cela faisait quinze ans que la pianiste russe Elisabeth Leonskaja n'avait pas joué avec l'Orchestre de Paris. Lors de la soirée, le Concerto pour piano en la mineur de Grieg aura consacré le retour de "la dernière grande dame de l'école soviétique", un piano carré et sans fioritures, puissant et vigoureux, mais capable d'impalpables finesses (comme le prouvera le clair-obscur d'un "Adagio" de la Sonate en fa majeur de Mozart joué en bis).

Ce concert "100 % nordique" s'est terminé par une éblouissante Symphonie n° 2 en ré majeur de Sibelius, dirigée par un Paavo Järvi très à l'aise et visiblement en terrain d'affinités électives.


Création française de la "Symphonie nº 4", Orchestre de Paris, le 10 novembre à 20 heures, au Théâtre du Châtelet. Tél. : 01-40-28-28-40. De 10 € à 20 €.

Intégrale Musiques du Nord : Sibelieus, Grieg, 13 novembre à 20 h 30 (Orchestre de Paris sous la direction de Paavo Järvi) et Arvo Pärt (Lumières de la Baltique), 14 novembre à 17 heures (Ensemble de Basse-Normandie) au Théâtre de Caen. Tél. : 02-31-30-48-00. De 6 à 45 €. Création française de "In Spe", par les Solistes de Moscou, le 21 novembre à 17 h 30, à l'Espace Philippe-Auguste de Vernon (tél. : 02-32-64-53-16). De 8 € à 19 €. Concert du 4 novembre sur Liveweb.arte.tv.

Disque : "Symphonie no 4" d'Arvo Pärt, par l'Orchestre philharmonique de Los Angeles, Esa-Pekka Salonen (direction), 1 CD ECM.


http://www.lemonde.fr/culture/article/2010/11/06/silhouette-d-arvo-part-seduit-par-son-lyrisme-raffine_1436412_3246.html

Comments

Popular Posts