Paavo Järvi et l'Orchestre de Paris ouvrent la saison à Pleyel

Diapasonmag.fr
Rémy Louis
22/09/2015
photo:Mark Lyons
C'est avec un brin de tristesse que l'on a assisté à l'ouverture de saison de l'Orchestre de Paris, après l'annonce faite en août par Paavo Järvi – via Facebook – qu'il ne renouvellerait pas son mandat après la saison 2015-2016. Tristesse que dissipe le dialogue intact des musiciens et de leur chef : le Concerto pour violon de Brahms reçoit une lecture vive et imaginative, drue et tout en nervures, peut-être au détriment de la chaleur romantique du son. Maxim Vengerov (dont c'est le retour à l'Orchestre de Paris) rayonne désormais avec une intensité plus mature et intérieure, moins tournée que naguère vers le brillant immédiat – encore qu'il en reste des traces dans sa propre cadence pour l'Allegro non troppo ! Le phrasé de l'Adagio, les échanges avec les bois sont superlatifs. Et en bis, la Méditation de Thaïs distille des inflexions et des respirations dignes d'un chanteur.
Dernière saison de Paavo Järvi à Paris
 
 
Un mécanisme orchestral ténébreux envahit ensuite une Symphonie n° 3 de Roussel coulée sans ambages dans un métal digne de Prokofiev – ce qui se comprend –, mais avec un sérieux peut-être excessif (Vivace, Allegro con spirito). Il tourne à la saturation dans La Valse. Appuyée, alternant linéarité et creusement (accents, contrastes), elle s'assimile à un Sacre du printemps ravélien. Même Chostakovitch n'est pas si loin, tant sensualité organique et mystère cèdent le pas à l'éruption obsessionnelle de la matière – si style et esthétique interrogent, l'engagement est total, l'impact incontestable.
Main droite ferme et agile de Xavier Philips
La semaine suivante, Järvi imprègne les Métaboles de Dutilleux d'une lumière plus minérale – un éclairage encore différent de ceux de Gergiev, Rattle ou Gatti. Vision détaillée et moderniste, tendue mais toujours organique, attentive aux rapports de tempo comme à l'unité des longs tapis de cordes. Le Concerto pour violoncelle de Lalo hérite ensuite d'une lecture presque rugueuse, aux volumes puissants : Xavier Philips en délivre une vision d'une très haute maîtrise, plutôt sombre de timbre, très concentrée (justesse impeccable, main droite ferme et agile à la fois... une nécessité ici). Elle va de l'avant sans jamais faiblir, tout en différenciant toujours subtilement climats et phrasés (prolongés en bis par la Serenata de la Suite pour violoncelle seul n°1 de Britten).
Expériences musicales marquantes
Comme un fait attendu, le chef porte ensuite au triomphe une Symphonie n° 5 de Tchaïkovski fervente et altière – rien de sentimental ni de complaisant, mais un climat authentique posé d'emblée par deux clarinettes extraordinairement nuancées. Début captivant, auquel répond le solo de cor de l'Andante cantabile con alcuna licenza, dont deux légers accrocs ne ternissent en rien la sensibilité ni la justesse de phrasé. Les jeux de réponse du quatuor, la profondeur des violoncelles et contrebasses, l'impeccable architecture d'ensemble obéissent à un élan passionné et contagieux, jusqu'à une conclusion naturellement flamboyante. Oui, on peut avoir des regrets pour l'avenir. Mais dans l'immédiat, vivons ces expériences musicales marquantes dont l'Orchestre de Paris et Paavo Järvi sont aujourd'hui coutumiers.
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