Paavo Järvi, un chef éclairé à l'Orchestre de Paris

Par Christian Merlin
11/10/10
Le Figaro



Paavo Järvi : «Tout bon chef d'orchestre n'est pas forcément un bon directeur musical.» (Martine Archambault/Le Figaro)


L'Estonien donne mercredi Salle Pleyel son deuxième programme en tant que directeur musical de l'institution.

On attend beaucoup de Paavo Järvi à l'Orchestre de Paris. La fonction a beau avoir évolué depuis l'époque du maestro tout-puissant, le directeur musical reste la clé de voûte d'un orchestre. Il préside au recrutement des nouveaux musiciens, fixe les grandes lignes de la programmation en termes de répertoire et d'artistes invités, forge le son de l'orchestre, soude les énergies, combine diplomatie et autorité pour arbitrer les conflits qui peuvent naître au sein de cette communauté humaine.

Autrement dit: c'est un métier. Comme le souligne Paavo Järvi, «tout bon chef d'orchestre n'est pas forcément un bon directeur musical». Et inversement, est-on tenté d'ajouter… Certains donnent leur meilleur en tant que chefs invités, galvanisant l'orchestre l'espace d'un soir, mais s'essoufflent sur la durée ou refusent de mettre les mains dans le cambouis. Le contraire du chef estonien, qui donne après-demain son deuxième programme en tant que directeur musical de l'OP. «Je n'aime pas être chef invité. J'ai toujours été directeur musical: à Malmö puis à Stockholm, dix ans à Cincinatti, depuis cinq ans à Francfort. Il n'y a qu'ainsi que l'on peut construire une relation de confiance avec les musiciens et le public, créer une identité musicale.» Sa conception du leadership est résolument moderne, fondée sur le respect et la reconnaissance mutuels («l'autorité sans compétence n'est qu'arrogance!»).

C'est pourquoi il insiste sur l'importance de l'assentiment des musiciens dans le choix de leur directeur musical: celui-ci est engagé par le Conseil d'administration, sur proposition du directeur général de l'orchestre (Georges-François Hirsch à l'époque des tractations avec Järvi), mais le chef estonien n'aurait pas envisagé de prendre son poste sans consultation des instrumentistes. Un progrès en France, où les musiciens se plaignent souvent d'apprendre par la presse le nom de leur nouveau chef… En Allemagne, des orchestres ont déjà fait grève pour cette raison, et le directeur musical du Philharmonique de Berlin est élu directement par les musiciens. À Boston, ce sont les chefs de pupitre de l'orchestre qui sont allés voir James Levine en délégation pour discuter avec lui des modalités de leur collaboration : une responsabilisation encore insuffisante en France.

Preuve d'humilité

Paavo Järvi est un homme de dialogue. «Il faut trouver un bon compromis entre l'idéalisme du directeur musical et le pragmatisme du manager: j'aimerais faire des programmes intéressants, avec des œuvres peu connues, mais il faut aussi remplir la salle ! Avec Bruno Hamard et Didier de Cottignies, c'est une discussion permanente.» Ensemble, ils ont fixé pour cette première saison des axes clairs: la musique nordique, que le chef de 48 ans a bue au biberon, la musique russe, avec laquelle il avoue un lien particulier, ayant grandi dans l'ex-URSS, la musique française, qui est la culture de l'orchestre et fut parfois négligée au cours de son histoire.

Qu'attend-il des chefs invités qu'il engage? «Pas forcément qu'ils soient aimés des musiciens, mais qu'ils apprennent quelque chose à l'orchestre. Je veux que mon orchestre soit meilleur après avoir joué sous la direction d'un collègue, que ce soit un grand maestro ou un jeune chef prometteur.» Belle preuve d'humilité : on en connaît, des directeurs musicaux, qui font venir des médiocres pour qu'ils ne leur fassent pas d'ombre…

http://www.lefigaro.fr/musique/2010/10/11/03006-20101011ARTFIG00437-paavo-jrvi-un-chef-eclairea-l-orchestre-de-paris.php

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